Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 17:40

 

imagesJoan Tronto inscrit ses réflexions dans le mouvement du care, fondé sur une approche féministe de l’éthique (voir C. Gillighan). Sa spécificité réside dans la relation étroite qu’elle introduit entre éthique et politique. Ainsi, elle écrit : « … pour prendre la morale au sérieux, il nous faut cesser d’y réfléchir à travers sa seule dimension morale », et la comprendre « dans son contexte politique ».

 

S’intéresser au réel

Il s’agit pour elle de rompre avec la morale abstraite et distanciée dans la suite de Kant, pour s’engager dans une approche éthique, plus en lien avec ses dimensions émotionnelle, déictique et intersubjective. Le cœur de son travail se tient dans la problématique du traitement de « l’outsider » ou « l’autre distant ». Ainsi, « une première avancée de ce processus consiste à reconnaître que les frontières actuelles de la vie morale et politique sont tracées de sorte que les préoccupations et les activités des moins puissants sont exclues des préoccupations centrales de la société ».

 

Or, ce passage d’une morale d’essence supérieure et métaphysique à une éthique accrochée au réel, conduit à abandonner le dilemme traditionnel de l’autonomie individuelle ou de la dépendance pour un sentiment plus élaboré et plus contemporain de l’interdépendance humaine. Et, pour préciser sa conception du care (soit « sollicitude » ou « soin »), elle en distingue quatre dimensions, emboîtées l’une dans l’autre :

 

- se soucier (caring about), puisque le care implique d’abord le reconnaissance de sa nécessité (cf. Paul Ricoeur) et l’attention à l’autre

 

- prendre en charge (taking care of), qui manifeste la reconnaissance du fait qu’il est possible d’agir pour traiter les besoins insatisfaits en pleine responsabilité

 

- prendre soin (care giving), qui suppose la rencontre directe avec les besoins de sollicitude et exige une compétence humaine

 

- recevoir le soin (care receiving), c’est-à-dire reconnaître que celui qui reçoit le soin réagit (d’une manière ou d’une autre) au soin qu’il reçoit, tant il est vrai qu’il faut lui reconnaître sa capacité autonome de réponse.

 

De là découle une approche interactive, ou plutôt systémique et constructiviste de la relation d’attention à l’autre. Elle éclaire d’une lumière utile nos propres approches d’une éthique attentionnée de la relation, notamment dans les processus professionnels et dans le travail de coaching.

 

L’approche care

À l’évidence, ce regard éthique ne va pas sans engendrer une série de dilemmes que Joan Tronto éclaire de ses convictions sociales et de sa foi dans la qualité humaine de chacun, à commencer par les plus faibles et les plus vulnérables.

 

Elle est ainsi conduite à affirmer que le care ne peut se comprendre que sous la forme d’une rationalité pratique et qu’il ne faut pas détourner les yeux des conflits qu’il peut induire, à la différence de ce qui se passe dans nos bureaucraties qui ne traitent d’un sujet qu’en le tenant à distance, en le dématérialisant.

 

Ainsi, entrer dans une approche care, impose de renoncer au modèle pour accepter la dimension profondément locale et intime de toute relation humaine. Lorsque nous entrons dans cette rencontre que représente le coaching, c’est notre être entier qui entre en relation avec l’autre dans sa totalité, au sein d’un processus dont nous devons, certes, assurer la maîtrise, mais dont nous en reconnaissons la dimension processuelle, ductile et parfaitement interactionnelle. Nous voici alors, l’un et l’autre – caregiver et care receiver- placés exactement sur le même plan.

 

De ce fait, le care nous place en situation de fragilité. Une fragilité émotionnelle qui, paradoxalement, donne à la responsabilité relationnelle sa pleine puissance en termes de levier de changement. C’est l’émotion qui fait bouger la boule jusque là ankylosée.

 

De ces analyses émergent les principales valeurs du care

Ainsi, l’attention à l’autre, nécessaire au déclenchement de la première étape du care, le souci de l’autre, représente un réel accomplissement moral. Il se manifeste dans la suspension de nos objectifs personnels, de nos préoccupations, de nos ambitions pour nous ouvrir complètement à cet autre que nous rencontrons.

 

La responsabilité, indispensable à la prise en charge, deuxième étape du care, s’inscrit pour sa part dans un ensemble de pratiques plutôt que dans des règles formelles ou une série de promesses.

 

Quant à la compétence, elle est une notion morale à la racine de la prise en charge, troisième phase du care. Cette exigence revient à l’évidence à inscrire le care dans un conséquentialisme moral, au cœur, à notre sens, de toute éthique professionnelle.

 

Enfin, la capacité autonome de réponse, reconnue à l’autre dans la quatrième phase du care (recevoir le soin), renvoie à la notion de « protection des vulnérables », introduite par Robert Gooding, qui revient à comprendre les besoins de l’autre autrement qu’en se figurant à sa place.

 

On peut le constater, le soin repose sur la satisfaction des besoins (de l’autre ou de sa communauté ou encore de la société). Mais comment les déterminer ? En s’attachant à l’écoute de l’autre dans la relation interpersonnelle. Cependant, qu’en est-il du care en termes de société ? C’est là que l’éthique du care rejoint la théorie de la justice, si puissamment mise en évident par Rawls.

 

Et si l’éthique du care correspondait aujourd’hui à la mise en mouvement d’un nouveau pouvoir des faibles ?  

TrontoJoan Tronto

Un monde vulnérable, pour une politique du care


E. la découverte – Coll. Textes à l’appui – Paris, 2009

Ed originale : Routledge – New York, Londres, 1993.

 


Partager cet article
Repost0
3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 19:39

images copie 11Personne n'est vacciné contre une crise d'angoisse, de panique, une phobie ou une dépression. Paradoxalement ce sont ceux qui se croient les plus forts qui sont les plus exposées. Mais une crise d'angoisse révèle souvent un esprit intelligent et courageux, aimant prendre des risques dont on ne mesure souvent pas les conséquences.

 

Sans entrer dans des considérations techniques, on peut dire qu’angoisse ou dépression sont proches. Tout dépend de la nature de chacun et comment les contenus émotionnels s’expriment. Une crise d’angoisse peut survenir en tout moment, même si on pense que tout va bien.

 

Ce n’est pas avec des considérations intellectuelles qu’on guérit. Il faut être en contact avec ses émotions, accepter la dépression sous-jacente. Il faut faire sortir la tristesse enfouie. Le contenu de la crise, ou ce qui l’a déclenché ne donne toujours pas d’indications sur l’émotion qui la provoque. On peut avoir peur des chats et que la nature de la phobie n’ait rien à voir avec les chats, avec les animaux...

 

Les étapes

On observe trois étapes dans une crise d’angoisse ou manifestation phobique. La première, et la plus spectaculaire, est la crise de panique. Quelque soit sa durée, pendant cette période on ne peut rien faire, l’esprit apparaît comme grippé. Le sujet éprouve le sentiment de devenir fou, que tout s’écroule ou se désagrège autour de lui.

 

Ce n’est que plus tard, quand il peut réfléchir un peu, qu’il commence à associer les éléments signifiants : à quel moment la crise est-elle apparue ? Qu’est qu’il faisait alors ? À quoi pensait-il ? Qu’a-t-il vu ou entendu ? Quels souvenirs ou association ont réveillés ce qu’il a vu ou entendu. ? C’est à ce moment qu’il peut commencer à faire des associations avec sa vie, passée, présente ou à venir et qu’il peut accéder aux premiers indices. Quelle est l’histoire récente ? Une séparation ? La perte d’un être proche ? Un changement de situation ? Un changement de travail ou de lieu ?

 

Paradoxalement, les gens les plus habitués à faire face à des situations stressantes, se croyant psychologiquement forts, sont les plus exposés à une crise d’angoisse. Ils manifestent un comportement héroïque en permanence. Pourtant les deuils, la tristesse, sont nécessaires. Ils permettent la résilience. Ce n’est pas en refoulant qu’on guérit.

 

Garder à l’esprit qu’aux moments de fragilité psychologique, la moindre contrariété, qu’en conditions normales serait vécue comme un incident sans importance, prend des dimensions disproportionnées, et ça risque d’amplifier la peur.

 

Ce qu’il ne faut pas faire

> Partir en vacances ou en week-end, se dépayser, sous prétexte de « se reposer » : c’est à ce moment-là qu’on a besoin d’être entouré de ses repères quotidiens.

 

> S’arrêter de travailler. Si le travail plaît, valorise, il ne faut pas s’arrêter, même si c’est plus dur que dans des circonstances normales. Il faut même se forcer à travailler et à faire face à ses responsabilités (du moins quand il reste du travail à accomplir).

 

> Parler à quelqu’un qui ne peut pas comprendre, et qui risque de perturber le sujet davantage. Les conseils des amis invasifs qui n’ont pas vécu des expériences semblables, et qui n’ont pas les mêmes valeurs sont inutiles.

 

En revanche, il est possible de parler à quelqu’un qui sait écouter sans proposer de solution péremptoire C’est là qu’on mesure la place et le rôle du soutien.

 

> Prendre des décisions importantes. Dans ces circonstances on n’a pas la clarté d’esprit pour mesurer les conséquences d’une décision importante. On est pressé de sortir de l’impasse, on souffre, on croit avoir trouvé une solution : une séparation, une colère, un règlement de comptes, démissionner de son travail, changer de situation, avouer un secret qui peut avoir des conséquences irréversibles, etc. Attendre d’aller mieux est essentiel, car l’attente permet d’envisager autrement la situation.

 

> Désespérer, croire que ça ne s’arrangera jamais. C’est la première idée qui vient à l’esprit. Le sujet croit être devenu fou, qu’il va mourir ou qu’il a la maladie d’Alzheimer. Rien de cela n’est vrai. L’angoisse n’est pas la folie. Il faut accepter de se trouver dans une situation nouvelle qu’il faut apprendre à gérer.

 

L’organisme a les ressources nécessaires pour trouver son propre équilibre. La guérison est inéluctable, mais il faut travailler dans la bonne direction pour l’accélérer.

 

La prière, la méditation, la relaxation, le yoga, d’accord si ça aide le sujet ! Mais ce sont des palliatifs. Le vrai travail consiste à penser à sa réalité, à son histoire, à sa place dans la société, aux relations avec ses proches, aux évènements récents vécus et à vivre. C’est là que peut se trouver la clé.

 

La crise passée, il est normal d’éprouver un sentiment de tristesse. C’est le signe que tout commence à se réparer. Au lieu d’échapper à la tristesse il doit la laisser s’exprimer. Pas de fausse joie, comme un clown drôle qui refoule sa tristesse. Et de toute façon, la tristesse est plus structurante que le refoulement, et c’est à partir de là que les plaies commencent à cicatriser et qu’un nouvel avenir peut se dessiner.

 

Ce qu’il faut faire

> Le sujet doit être incité à rassurer son entourage, lui démontrer qu’il est digne de confiance même s’il va mal. Les gens ont très peur de ce qui échappe à leur propre conception de la normalité. Celui qui n’a jamais vécu une histoire pareille ne peut pas comprendre. Sans avoir besoin de mentir en disant que tout va très bien, le regard que renvoie l’entourage sera apaisant et facilitera le rétablissement de repères.

 

> S’accrocher à la réalité. Pas de guérisseurs. Pas de magiciens. Pas de sectes. Pas d’astrologie. Et surtout consulter un psy ou si l’on y est déjà, y foncer. C’est leur profession.

 

> Se faire plaisir, sentir ses sens, son corps. Se sentir exister. Faire un sport à condition qu’il ne s’agisse pas d’un dangereux en cas de manque d’énergie ou de concentration. (Pas d’escalade, de parachutisme, de course auto, pas de natation en mer).

 

> Se mettre en valeur. Valoriser son image, surtout vis-à-vis de soi-même. S’habiller bien. Aller chez le coiffeur.

 

> Améliorer son contexte quotidien. Ranger sa maison, vivre dans une ambiance agréable.

 

Une vie prend un certain temps à se reconstruire. Le sujet passera par des hauts et des bas. Il ne peut pas prétendre aller mieux du jour au lendemain, mais il gagnera à observez attentivement comment le monde s’illumine un peu plus chaque jour.

 

Finalement, traverser une crise d’angoisse est plutôt un signe d’intelligence, d’un esprit sensible et courageux. Ceux qui vivent dans un état de protection permanent, ceux qui ne prennent pas de risques, qui ne sont pas capables de relever tous les défis que la vie jette sur leur passage ne connaissent pas les crises d’angoisse.

 

Partager cet article
Repost0
30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 18:41

 DépressionLa reconnaissance par la Sécurité sociale des risques psychosociaux, auxquels le burn-out pourrait être assimilé (bien que cette expression ne recouvre pas de réalité faisant consensus) est un phénomène rare. En 2011, la branche accidents du travail maladies professionnelles de la Sécurité sociale n’a ainsi reconnu comme maladies professionnelles que 94 cas, sur un total de 50 000 maladies. Et en 2010, 21 suicides avaient également été reconnus comme accidents du travail. Pourtant, ces problématiques complexes mais en expansion, méritent d’être prises en compte.

La reconnaissance par la Sécurité sociale de l’accident du travail et de la maladie professionnelle correspond à deux logiques différentes. Un accident du travail, est directement lié à un événement : pour un ouvrier qui tombe d’un échafaudage et se casse la jambe, le lien de causalité ne fait pas beaucoup débat. C’est pourquoi, en matière d’accident du travail la reconnaissance est généralement quasi-automatique.

Une maladie professionnelle, en revanche, correspond à une situation souvent évolutive, tant il est vrai qu’une pathologie ne se déclenche pas d’une seconde à l’autre. Il faut donc établir un lien direct et essentiel entre la cause et la conséquence. Ainsi, le lien peut-il être établi dans le cas d’un salarié exposé à un produit cancérogène lorsqu’il contracte la maladie correspondante. Dans ce cas, deux soit l’affection figure au nombre des maladies professionnelles reconnues et la reconnaissance est automatique, soit le cas est soumis à une commission médicale.

Une pathologie psychique sera, par exemple, reconnue si le lien entre la maladie et l’activité professionnelle est clairement établi et que la pathologie dépasse un certain seuil de gravité (25% d’IPP). Ces deux critères, ardus à établir pour les troubles psychologiques, le sont plus encore quand il s’agit d’apprécier un burn out ou une pathologie psychique.

Pour traiter de ces pathologies psychosociales, la voie de l’accident serait difficile à rendre opérante tant les liens de causalité sont rarement clairs. Certes, un suicide qui surviendrait juste après une brimade pourrait être reconnu comme accident du travail. En revanche, dans le cas d’une dépression, le ou les faits générateurs demeureraient plus complexes à détacher de la complexité des problématiques individuelles.

Quant à la voie de la maladie, l’idéal consisterait à créer un tableau propre aux affections psychosociales. Il faudrait pour cela qu’une commission où siègeraient les syndicats des employeurs et des professionnels de santé en décide. Or, aujourd’hui, il n’y a manifestement pas de consensus entre ces acteurs.

Ainsi demeure-t-il difficile de reconnaître le lien entre ces pathologies et le travail. Face à un traumatise osseux, on ne se pose pas la question de savoir si la personne avait des os fragiles. Avec les risques psychosociaux, la question du facteur prédisposant est toujours pesée avec une minutie extrême. Il faut donc reconnaître qu’il existe bien un déficit de reconnaissance des pathologies liées aux RPS.

 

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 11:58

JamalSolidarité avec ses interlocuteurs, tous autant qu’ils sont. Et confiance dans leur capacité à choisir la meilleure option pour eux. Préférence à la compréhension au lieu du jugement… Voilà quelques éléments caractéristiques de la posture de coach que partage ceux qui vouent leur énergie au développement des pays du Sud.

 

L’ouvrage qu’Yves Bourron consacre à son ami Jamal Lahoussaine en témoigne amplement. Jeune homme, il est venu des profondeurs du Souss marocain pour travailler à L’Argentière, dans une entreprise d’aluminium. Très rapidement, il s’y impose comme délégué syndical avant d’élargir ses responsabilités au plan national tout en veillant au développement de sa vallée d’adoption, à un moment où l’usine qui la faisait vivre met la clef sous la porte.

 

Continuant ses activités au Nord de la Méditerranée, il s’intéresse au développement de son coin d’origine, au flan du Toubkal, en prenant appui sur la solidarité entre Marocains de France et ceux du bled. Là gisent les expériences les plus exemplaires pour nous.

 

Celle, par exemple, qui met en pratique l’idée que, même illettrés, les personnes sont aptes à discerner leur intérêt. Par exemple, quand il s’agit d’électrifier le village, en comptant sur ses propres moyens au lieu d’attendre le déploiement onéreux et lointain des services de la compagnie nationale. L’idée aussi que, calculs faits, l’équipement collectif est meilleur que le choix individualiste du photovoltaïque.

 

Or, une fois cette option retenue par le groupe, la vie change. Les villageois apprennent la gestion coopérative. L’électricité arrivant, les femmes découvrent enfin leur intérieur tel qu’il est, hors de son ombre traditionnelle : sale et mal agencé. Alors, elles le nettoient et l’aménagent. Chacun se prend à vivre un peu mieux les soirées au lieu de se tenir autour de l’unique point lumineux que représentait le feu.

 

Après l’électricité, les avancées ne s’arrêtent plus. Vient l’eau et la fin de la corvée de l’aller-retour à la source. Puis l’école que le village se construit et l’instituteur qu’il salarie. Les femmes prennent progressivement leur place dans les décisions villageoises. Et la démarche se démultiplie de village en village, plus vite que celle des « plans d’aménagement » étatiques.

 

Un seul phénomène déclencheur, donc. Pour peu qu’il soit bien choisi et accompagné avec ténacité dans la durée, la réaction en chaîne positive se met en marche avec une surprenante vitesse.

 

Yves Bourron

Jamal - La revanche du territoire - Un migrant acteur de développement

Paris, Éditions Publisud, 2011

Partager cet article
Repost0
23 janvier 2013 3 23 /01 /janvier /2013 17:17

 

UnknownL’entreprise, et en premier lieu les managers de proximité, ont une obligation de vigilance à l’égard des symptômes de risques psychosociaux. À cet égard, il peut être utile de conserver à l’esprit la forme que prend généralement la dégradation psychique lorsque se met en place une dynamique délétère.

En revisitant nos expériences, nous pouvons décrire ce processus selon neuf stations d’un chemin de croix malheureusement trop quotidien. À chaque étape, si rien n’est entrepris, sa mécanique négative s’accélère tandis que se renforcent ses mécanismes de défense.

Station 1 - L’inhibition  

Tout commence par un salarié qui n’arrive plus à assumer ou à trouver seul la solution à une difficulté rencontrée dans son travail. Progressivement, il perd son niveau d’assertivité et de professionnalisme en atteignant, sur un point particulier de sa fonction, une forme de seuil d’incompétence -pour reprendre le vocabulaire de Lawrence J. PETER-. Il se trouve alors dans une incapacité momentanée à surmonter seul cet obstacle.

Or, la difficulté est grande pour le manager est de repérer cette inhibition quand son activité le contraint à agir en mode réactif sous la pression de l’urgence. Pourtant, beaucoup se joue là car un simple recadrage suffit la plupart du temps. Mais sans ce recadrage, la pression risque d’enfler pour le collaborateur, jusqu’à produire un stress perturbant. Et, si le manager n’intervient pas à ce niveau, le processus a tout lieu de continuer jusqu’à glisser vers le stade suivant.

Station 2 - La perte de confiance 

C’est alors que le collaborateur commence à perdre confiance en lui-même et dans son équipe à laquelle il ne sait plus demander de l’aide. Le fait d’avoir « calé » sur un point précis de son travail, s’ajoute à d’autres difficultés qu’il n’arrive plus à maîtriser. L’absence de vigilance du manager dans ce moment-là de son histoire professionnelle peut le conduire à perdre « pied » et se mettre en retrait.

Les risques psycho-sociaux traduisent, le plus souvent, une accumulation d’effets stressants. Il commence à réellement douter de son niveau de compétence professionnelle, de son adaptation à son poste, et il s’interroge sur sa réelle légitimité professionnelle. Ses efforts répétés sans résultat et ses interrogations sans réponse augmentent son niveau de fatigue, et altèrent son comportement (mauvaise humeur, indisponibilité).

Fréquemment, on observe un début de prise de médicament, généralement des calmants, des décontractants ou des somnifères.

Si le manager ne repère pas les symptômes de la démotivation ni n’intervient à ce stade du processus, le processus de dégradation continue.

Station 3 - La perte de lucidité 

Dans cette troisième étape, le salarié, après avoir perdu de son assurance et de sa confiance (en soi, dans les autres), commence à entamer son niveau de lucidité et de compréhension de ce qui est en train de se passer. Il commence à ressentir une certaine forme de « paranoïa » qui lui fait perdre la mesure des difficultés auxquelles il est confronté : il « grossit » la réalité et les conséquences des problèmes professionnels qu’il vit.

La non disponibilité du manager de proximité à ce moment névralgique du processus risque de le conduire à ne pas prendre suffisamment tôt la mesure de ce qui est en train de se produire et de la dégradation au travail. Plus encore, c’est l’ultime fois qu’il pourra intervenir pour installer une relation d’aide compréhensive et reconstructive pour son collaborateur.

À un niveau d’intensité supérieur, proche de l’état de panique, il commence à ne plus se situer professionnellement. Il compense plus qu’il n’intervient et son niveau d’anxiété est continuel. Il devient fébrile et susceptible, exagère l’importance et la portée de la moindre réflexion à son égard.

Les doses médicamenteuses augmentent, parfois accompagnées de prise de boisson ou de la consommation de cigarettes. Son entourage personnel commence à s’apercevoir du malaise occasionné par la situation professionnelle.

Station 4 - La victimisation 

Le salarié, à présent engagé dans un processus qui le mobilise entièrement, devient revendicatif. Il remet en cause les moyens à sa disposition et l’organisation à laquelle il impute le motif de sa démotivation. Après s’être amèrement remis en cause, il va à présent se défendre en s’attaquant à son entourage, et dans un premier temps à ce qui en constitue l’environnement factuel, immédiat, technique et organisationnel de sa fonction.

Le comportement du collaborateur ne peut alors plus échapper au manager qui doit absolument intervenir pour arrêter le processus et empêcher son s’aggravation. À présent, il lui appartient de changer de posture en intervenant plus fermement, en élevant son niveau d’exigence et en imposant un cadre contraignant.

La posture du subordonné emprunte de plus en plus à ce que Pascal BRUCKNER nomme la victimisation (in, La tentation de l’innocence). Installé dans une posture de victime, le subordonné subit les effets destructeurs du stress quotidien. Il est continuellement confronté à l’énervement, la rancœur sa frustration, sa colère, la violence (celle qu’il subit et celle qu’il répercute). I

Les arrêts de travail commencent à se multiplier. L’entourage professionnel du subordonné commence à subir les effets de sa démotivation qui pèse sur l’ambiance au sein de l’équipe et sur le climat social.

A ce stade, le manager ne peut plus « passer à côté » des effets de la démotivation du subordonné. Mais s’il n’intervient toujours pas en imposant son niveau d’exigence, le processus continue. Irrémédiablement, la situation va « pourrir » et rapidement « déraper ».

Station 5 - L’agressivité 

Dans cette situation, le collaborateur, à présent violemment entraîné dans le processus de désengagement, déplace l’objet de ses revendications et commence à remettre en cause les personnes, imputant à d’autres, à tort ou à raison, la responsabilité de sa démotivation. Le comportement du subordonné, devient largement perturbant pour l’activité et l’équipe.

Les risques psycho-sociaux, dans cette situation, sont devenus une réalité palpable. Les troubles du comportement sont visibles par tous, dans l’entourage du subordonné : irritable, vindicatif, les relations avec lui deviennent compliquées et fréquemment les sujets se transforment en quiproquos. Il se place de plus en plus en plus dans une posture en retrait, critique, voire caustique, envers toutes les personnes ou situations susceptibles de le remettre en cause.

Sa paranoïa se renforce (« les gens profitent de son absence pour lui nuire »). S’il multiplie les traitements et commencent à consulter plusieurs médecins, il n’est généralement pas encore prêt à engager un travail thérapeutique, niant sa part de responsabilité dans ce qui advient. Il élève son niveau d’exigence sur toutes les personnes de son entourage (collègues, encadrants, clients, fournisseurs).

Les collègues du salarié demandent au manager d’intervenir urgemment car la situation de travail se dégrade pour eux de façon alarmante. À ce stade, si le manager tarde à intervenir, ou s’il le fait faiblement, il prend la responsabilité de laisser la situation se dégrader.

Station 6 - Le conflit hiérarchique 

Dans cette situation, le salarié, prisonnier d’un processus qui commence à le dépasser et laissé libre d’exprimer sa rancœur et son dépit va à présent s’en prendre directement à son manager, le rendant responsable, par son action (ou son inaction) de sa démotivation. La difficulté, pour le manager, porte sur le fait que la revendication du collaborateur le remet lui-même en cause.

La posture du manager, là encore, pour permettre au subordonné démotivé de rebondir, repose sur sa capacité à élever son niveau d’exigence. Mais il ne peut plus le faire, à ce stade, qu’en relation avec la DRH, ou son n+1 hiérarchique, qui doit pouvoir servir de médiateur ou de relai d’autorité.

On est souvent arrivé alors à une situation qualifiée de harcèlement. Dans ses ressentis, le collaborateur exprime son sentiment d’être harcelé, en cristallisant sa rancœur sur le manager.

Les arrêts de travail, les expertises auprès de la médecine du travail ou des médecins traitants ne peuvent que constater un haut niveau de stress et ses conséquences sur l’état de santé du subordonné. La posture de victime est généralement vécue à ce stade sur un mode passif destiné à être lu comme un témoignage de la violence dont a fait l’objet le collaborateur.

L’absence d’éléments tangibles dans le dossier (entretiens, recommandations, pistes de re-motivation, engagements réciproques) empêche le retour à la normal. La tension monte d’un cran et le dossier devient un cas particulier que les représentants du personnel évoquent régulièrement lors des réunions de Délégués du Personnel ou dans le cadre du Comité d’Hygiène et Sécurité.

Le manager est maintenant contraint d’intervenir sous la pression des partenaires sociaux avec le concours de la DRH.


Station 7 - Le retrait

Le salarié, dont la démotivation est évidente pour tout le monde, commence à se désengager de l’activité en ne respectant plus les conditions d’exercice de sa fonction. La difficulté, pour le manager, tient au fait que sa responsabilité est à présent engagée et que sa non–intervention passée ne lui permet plus d’intervenir en toute légitimité. La posture du manager doit évoluer, avec encore plus de fermeté et il lui appartient de sanctionner tout débordement.

Les risques psycho-sociaux sont alors très importants. Si le subordonné n’a pas dans sa vie privée l’occasion de compenser ou de rétablir une situation professionnelle insupportable, les risques peuvent, à tout moment, produire des comportements extrêmes. Car le salarié est entré dans un nouveau comportement à tendance mortifère. Son désengagement exprime tout le mal-être et le désespoir qu’il porte continûment en lui.

A ce stade, le manager peut être tenté de baisser les bras et de laisser la place à la DRH et aux services sociaux. Cette attitude ne peut qu’aggraver la situation en désocialisant le salarié. Si aucune solution n’est apportée à la situation, celle-ci peut encore malheureusement se prolonger et le processus continuer.

 

Station 8 - Le hors-jeu

Dans cette situation, le salarié, dont la démotivation crée un véritable handicap à l’activité (un « poids mort »), flirte avec les interdits. Sachant que  le manager, qui n’est toujours pas intervenu efficacement, porte lui aussi la responsabilité des déviances, il mesure ses difficultés à se convaincre qu’il est encore possible de remédier à la situation. Il lui faudrait trouver et dépenser une énergie considérable pour faire rebondir son collaborateur, si tant est qu’il en ait encore envie certainement.

Les risques psycho-sociaux sont désormais extrêmes. Le salarié s’est mis en retrait de la vie du groupe, sa présence est très aléatoire (arrêts de travail, isolement). Son comportement mortifère devient provoquant, comme si, dans une réaction paradoxale de désespoir, il jouait avec les interdits dans le but de continuer à encore exister. Ses provocations sont autant d’appels à l’aide. Seul un recours extérieur (thérapeute, psy, médecin) pourrait ici maintenir un semblant d’équilibre.

L’état de santé du collaborateur devient épouvantable et il peut ne suit plus régulièrement les prescriptions médicales, ce qui lui provoque des états de crises ou des passages fréquents à l’hôpital ou auprès du médecin du travail.

La fonction du manager ne tient plus qu’à sa capacité à sanctionner tout débordement supplémentaire. Il doit intervenir pour sanctionner les hors-jeux, ne serait-ce que pour donner du sens au management du reste de l’équipe. Mais si la sanction n’est pas assortie d’un plan d’action permettant au salarié de s’en sortir, elle ne pourra mettre fin au processus en cours qui pourra encore s’aggraver.

 

Station 9 - La fuite suicidogène

Le salarié, démissionnaire dans ses actes et ses propos, est alors au fond du gouffre. Il s’exonère de toute contingence et s’affranchit de tout accord passé. Son absentéisme ou la violence de ses réactions sèment le désordre dans l’activité. Il a atteint un état potentiellement suicidaire. Le passage à l’acte ne dépend plus que d’une circonstance, parfois sans rapport avec l’importance des enjeux professionnels. Une décision, une réflexion, une annonce peuvent constituer autant d’effets déclencheurs d’un passage à l’acte.

Le comportement suicidaire est d’autant plus dangereux que la présence du collaborateur est irrégulière et que, lorsqu’il est présent, il a tendance à s’isoler et à se renfermer sur lui-même. Il parle peu, vit à l’écart et sur un rythme différent du reste de l’équipe. Seule la présence constante d’une oreille amie est susceptible d’éviter le pire.

La pression s’exerce sur le manager de la part de son entourage immédiat qui ne tolère pas son laxisme ou sa lâcheté. Il lui faut trouver une énergie considérable pour changer de posture et prouver sa détermination à sanctionner ce qu’il a cautionné parfois depuis un certain temps.

La concertation entre les recours extérieurs (famille, thérapeute, psy, médecin) et l’entourage amical du salarié peut permettre d’envisager un avenir, à très court terme, facilitant son changement de comportement et sa sortie progressive de son enfermement.

Rôle du manager dans la prévention primaire des risques psychosociaux 

Il existe une réelle opportunité à militer dans les entreprises pour une prévention primaire des RPS centrée sur le management de proximité. À cet effet, plusieurs actions peuvent être envisagées :

> l’exemplarité du top management et celui de l’encadrement,

 

> une organisation du travail qui équilibre les exigences de la performance et de l’ergonomie,

                 

> la qualité des relation qui privilégie la confiance,

 

> le niveau d’implication de chacun,

           

> la cohésion de groupe,

           

> une motivation individuelle et collective qui soutienne l’investissement de chacun dans sa mission.

 

         La qualité de la proximité représente le meilleur moyen de lutter contre l’apparition de risques psycho-sociaux qui viennent continuellement entamer l’état de santé des salariés dans l’entreprise.

 

Dans cette période de forte pression sur les performances et de changements rapides d’organisation, il est nécessaire de doter les managers des moyens de s’assurer que leurs subordonnés peuvent contribuer à la performance collective à hauteur de leurs talents et compétences tout en préservant leur santé et leur appétit d’agir.

Partager cet article
Repost0
20 janvier 2013 7 20 /01 /janvier /2013 21:12

ConfianceUne baisse historique de la confiance en l'avenir, voilà le principal enseignement du récent sondage réalisé pour l'Observatoire de la Confiance de La Poste, publié ce mois-ci et réalisé par TNS-SOFRES du 22 au 29 novembre 2012.

Pessimisme global et confiance en soi

Jugez-en : alors qu'ils étaient 68% en 1993 à proclamer leur confiance dans l'avenir, les Français ne sont plus que 39% à partager cet avis. Voire seulement 27% à manifester leur confiance dans l’avenir des générations futures et 19% à croire en la capacité des hommes à préserver la planète.

Ce pessimisme global se conjugue avec une relative bonne confiance en soi (77%). Mais, cette moyenne couvre des écarts importants entre une moindre assurance chez les 15-25 ans (64%) que chez les plus de 60 ans (86%).

Crainte de l’inconnu et confiance dans le proche

Inquiétante toutefois, la montée d’une défiance généralisée envers l’autre, les élites et les grandes institutions. 77% des interviewés estiment ainsi qu’on n’est « jamais assez prudent quand on a affaire aux autres » et 30% seulement conserve leur confiance à l’État. N’échappent à ce discrédit que l’armée  (72%) et l’école (61%).

Quant au personnel politique, il poursuit une plongée aux enfers : 29% lui manifestait encore sa confiance en 1982, 18% en 2001 et… 7% désormais ! Pour les partis c’est encore pire, avec 5% et seuls les maires tirent encore un peu leur épingle du jeu avec 51% de confiance, en fort retrait toutefois depuis 2001 (75%).

Crédibilité de la science et du monde associatif

Reste le monde associatif pour continuer à susciter une forte confiance à hauteur de 81% pour les associations de consommateurs et de 65% pour les humanitaires. Le progrès aussi puisque 71% des Français y croient encore et que 81% maintiennent leur confiance aux scientifiques, véritables héros d’une époque où, pourtant, la science a apporté tout à la fois d’immenses avancées et de profondes catastrophes.

Ainsi donc, parlez-moi de science et parlez m’en parle à l’oreille !... Encore que nous ne soyons pas si stupides : si les Français manifestent de l’intérêt pour les médias traditionnels (46%) et pour le bouche-à-oreille des proches (44%°, ils ne font confiance aux informations qui circulent sur l’Internet qu’à 29%...

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2013 7 13 /01 /janvier /2013 19:11

Travail-et-emploi-n-129 large-small130Michel Gollac (dir.)

 

Les risques psychosociaux au travail : d’une « question de société » à des questions scientifiques

 

Travail et emploi N° 129, janvier-mars 2012

 

Michel Gollac a coordonné ce numéro de Travail et emploi, la revue de la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) qui explore par plusieurs approches croisées la question des RPS. « Mot-valise » de l’époque, certes, les RPS n’en définissent pas moins un champ social dont l’État, ses juridictions, les entreprises comme les acteurs sociaux se saisissent concrètement pour lui donner un sens opérationnel. Donc, comme le souligne Michel Gollac, ce terme « répond à une demande sociale ».

 

Épidémiologie des risques

D’un point de vue historique (article de N. Hatzfeld), l’approche RPS représente la forme présente d’un enjeu de responsabilisation des risques professionnels, apparu dès la fin du XIXème siècle autour de la question des modes de vie ouvriers. Les interrogations sur l’intensification du travail induites par le taylorisme ont conduit ensuite à l’indemnisation de certaines maladies dès 1919. Plus tard, avec l’entrée en scène de la psychologie, le durcissement des conditions de travail vient à être interrogé. Au fur et à mesure du temps, il ressort que les acteurs tendent à rationnaliser le risque à travers une approche épidémiologique qui vise à l’objectiver et à le mesurer.

 

Désajustements mal vécus

Quant aux modèles, l’approche de Karazek qui analyse les liens existant entre demande, latitude décisionnelle, support et leur impact sur la santé mentale est utilement complétée par celle issue des travaux de Siegrist, portant sur l’impact du déséquilibre du couple effort – récompense (article R. Ndjaboué, M. Vézina, C. Brisson). Il reste cependant à prendre en compte de nouveaux paramètres comme la justice organisationnelle, le leadership et la prédictibilité du travail pour élargir le niveau de notre compréhension des problématiques, questionnement qui entre en résonnance avec les travaux philosophiques d’Axel Honneth (voir mon compte-rendu sur ce blog) comme avec les constats que nous faisons à chaque étude sur le terrain.

 

Importante aussi la thématique relative aux apports des débats entre psychodynamique du travail et clinique de l’activité (article P. Molinier et A. Flottès). Il en ressort qu’il importe d’éviter de demeurer rivé à la psychologisation de la problématique de l’exercice professionnel. Les dimensions sociale et organisationnelle pèsent lourdement sur la réalité du vécu. Quant aux symptômes physiques repérés (troubles musculo-squelettiques, addictions, harcèlement, violences…), ils combinent des facteurs de prévalence totalement pluriels dont l’interaction ne peut pas être minoré et dont la dimension « genrée » mériterait un ensemble d’études dont on ressent fortement désormais le manque.

 

Enfin, la perception par les salariés d’un « désajustement » dans leur situation de travail est à l’origine de souffrances, confirmées par la littérature sur le sujet (article D. Cartron et C. Guaspare). Avec la situation du marché de l’emploi, l’écart entre poste et formation, tâche et savoirs viennent percuter la projection du salarié sur son poste et remettre en question sa conception du « bien travailler ». À la fois son esthétique et son éthique du travail.

Partager cet article
Repost0
8 janvier 2013 2 08 /01 /janvier /2013 19:21

 

Trois thermos au contenu probable mais non certain et la main pressée de l’histoire qui les déplace à toute allure devant nos yeux ébahis. Voilà comment se présente 2013, l’année du bonneteau dans tous les domaines en débat : redressement économique, emploi, qualité du travail, respect des personnes, réformes de société…


 Un thé à Besakih

 

Souhaitons-nous donc, de toute la puissance de nos espoirs, une année au cours de laquelle nous ne nous laisserons pas abuser et où nous parviendrons collectivement à trouver une voie positive dans l’espace contraint de nos marges d’action.

Partager cet article
Repost0
22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 18:46

trouble-panique-symptomesL'angoisse des individus ayant tendance à croître dans les contextes professionnels et sociaux actuels, les crises de paniques tendent à se multiplier. Leur manifestation trouve son origine dans de multiples causes : phobies contractées dans l’enfance, prédisposition génétique,stress conjugal ou professionnel... Ces crises peuvent frapper n’importe qui à n’importe quelle période de lavie.

Car, il Il n’y a pas d’âge pour les crises de panique. Elles peuvent se déclarer à tout moment et constituer un problème pour chacun, depuis ceux qui sont inquiets pour leur santé ou pour leur avenir jusqu’à ceux dont l’angoisse trouve son origine dans n’importe quel autre objet. Sont principalement concernés ceux qui appréhendent un divorce ou une séparation, qui souffrent de phobies, de déséquilibres de la personnalité. Mais aussi ceux qui ont perdu confiance en eux ou que la vie a cabossé.

Des périodes d’extrême angoisse qui surviennent brusquement caractérisent principalement ce genre d’affection. Lorsqu’une crise se produit, le sujet éprouve un sentiment croissant d’inquiétude, de peur et de malaise, qui le laissent dans un état de terreur absolue.



Risque d'effondrement

 En règle générale, la panique atteint son pic en seulement 10 minutes. Pour pouvoir être diagnostiquée, une personne doit avoir fait au moins deux crises de panique soudaines, avec tous les symptômes physiques qu’elles supposent. C'est pourquoi, il ne faut pas laisser sans soin les salariés qui fondent en larme sans raison apparente ou ceux qui manifeste régulièrement l'évitement de situations insécurisantes pour eux (certaines réunions solennelles, situations d'évaluation, de reporting...)

Car, les sujets qui souffrent de ces crises cherchent souvent à éviter les situations qui semblent de nature à les déclencher, et cette attitude d’évitement peut se transformer en une  phobie.

Si vous y ajoutez le manque de sommeil qui va souvent avec et qui peut conduire à une fatigue extrême, le désir de s'isoler finit par s’imposer, conjugué parfois avec le recours à l’alcool et à des substances illicites dans une tentative d’apaiser l’angoisse. Enfin, des tendances suicidaires sont souvent observées chez ceux d'entre eux qui conjuguent crises de panique et  dépression.


Risque de contagion

Il est alors à craindre que la traditionnelle injonction à ne pas avoir peur demeure absolument inopérante, laissant se dérouler l'inexorable enchaînement du désespoir.

Dans les groupes soumis à des situations collectives stressantes (menaces de plan social, pression extrême sur les résultats...), l'angoisse se révèle aussi particulièrement contagieuse. Rien n'est plus anxiogène que deux ou trois collègues qui s'effondrent en plein milieu d'un open space.

Pour les managers de proximité, la vigilance active est essentielle afin d'éviter que leurs salariés, voire leurs équipes, se précipitent dans une panique collective où plus rien ne serait alors maîtrisable. Les représentants du personnel peuvent également remplir une  de canalisation des angoisses en désignant des objectifs communs de lutte qui ouvrent des perspectives, même provisoires.

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 06:40

MéprisLa société du mépris

Vers une nouvelle théorie critique

 

Axel Honneth

La Découverte / Poche

Paris, 2008, 350 p.

 

Axel Honneth est au centre des débats sur les questions de reconnaissance depuis la publication en 2000 de La lutte pour la reconnaissance. Ce texte a très vite été absorbé par les théories managériales à mesure que le débat sur les risques psychosociaux s’amplifiait, tant il est vrai que tous les spécialistes du travail ont rapidement compris la place du soutien et de la reconnaissance dans la capacité des personnes à faire face au stress.

 

La revitalisation de l’école de Francfort

Pourtant, les textes d’Honneth n’ont pas pour vocation de venir compléter la trousse à outil des DRH et de leurs consultants. Successeur de Horkheimer, Adorno et Habermas à la tête de l’école de Francfort, il est surtout soucieux de reconstruire patiemment la théorie critique. Habermas avait déjà mis en relief le déficit sociologique qu’avait laissée la tradition critique, focalisée sur l’économique. Mais, s’il avait permis de « redécouvrir le social », il était resté trop centré sur l’entente intersubjective en négligeant, pour Axel Honneth, les conflits qui traversent le social et contribuent à sa formation : pour comprendre le monde qui va, il ne faut pas demeurer aveugle aux expériences morales de l’injustice et de l’offense. Il aboutit donc à la conviction qu’une théorie du conflit social, fondée sur le paradigme de la communication, fait défaut à la théorie critique. Une théorie enracinée dans le vécu et non pas une métaphysique ou une morale posées a priori et qui accorde à des gestes simples du quotidien (gestes positifs, sourires, expressions du visage…) une valeur de manifestation de cette relation morale.

 

Honneth parcourt ainsi la tradition de la philosophie sociale contemporaine pour y ajouter l’idée centrale que la lutte vise moins la préservation du soi que l’établissement de relations de reconnaissance, abordée sur la base des trois sphères les déterminant : celle de l’amour qui favorise la confiance en soi, celle du droit qui donne le respect de soi et celle de la solidarité à l’origine de l’estime de soi.

 

Souffrir d’invisibilité sociale

Il est vrai que la société regorge d’exemples de négation de la valeur sociale des individus qui les entraîne dans une expérience du mépris, laquelle affecte évidemment leur rapport à soi. À l’inverse de la tradition utilitariste de la « lutte pour l’existence », ce modèle du conflit saisit les motifs de résistance sociale et de révolte à l’aune des expériences morales vécues par les personnes. Pour Honneth, loin de constituer une menace pour l’ordre social comme chez Hobbes, le conflit est, le médium de l’intégration sociale.

 

Cette philosophie en train de se déployer conduit à accorder une attention renforcée aux pathologies du social. Ainsi ce qu’il nomme « l’invisibilité sociale » qui correspond à une modalité du mépris en niant la « valeur sociale » des personnes concernées. Avec pertinence, il introduit également l’idée que la reconnaissance précède la connaissance et remplit une fonction majeure dans le processus d’individuation avant de s’élever contre la mutation de son idéal d’émancipation en de nouvelles contraintes au service du système économique.

 

Mais, la compréhension du conflit qui se noue ici, suffira-t-elle pour répondre à l’aspiration à une vie meilleure et refonder la théorie critique ou faudra-t-il en venir à une nouvelle théorie de la lutte ?

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Patrick Lamarque
  • : Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
  • Contact

Le fil d'Ariane

L'animation ci-dessous présente ma pratique du coaching individuel et d'équipe à destination des dirigeants. En cliquant sur l'image en bas à droite (petite croix) vous pourrez l'ouvrir en mode plein écran et, ainsi, la lire plus confortablement.

 


Recherche

Digest

 

Patrick Lamarque est conseil de dirigeants en stratégie, gestion des crises et management du changement. Il est également coach pour dirigeant privés et publics et expert en prévention des risques psychosociaux. Il opère en France et à l’étranger.


Ancien élève à l'Ecole Nationale d’Administration, Patrick Lamarque, dans les années 80, a créé la mission communication interne et maîtrise du climat social à la Ville de Paris, coordonné la communication gouvernementale auprès du Premier ministre et conseillé pour sa communication le ministre de la Défense. Dans les années 90, il dirige la communication de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, puis celle de la Ville et de la Communauté Urbaine de Lyon. Il est ensuite appelé comme Conseiller auprès du Secrétaire d'État à la Défense, puis auprès de la Secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées avant d’être chargé de la concertation et de l’accompagnement social à la Délégation Générale pour l’Armement.


Introducteur des études qualitatives dans l’analyse politique il a développé ces méthodes pour structurer une démarche globale de maîtrise du climat interne de l’entreprise. Il a développé une approche novatrice d’entretiens de confrontation pour la résolution de conflits.


À partir de son expérience dans la gestion de la communication de la Défense durant la première guerre du Golfe, il a créé une méthodologie de maîtrise des crises qui a fait ses preuves dans de multiples situations difficiles, lors de crises de changement, de situations d’urgence psychosociale ou de plans de sauvegarde de l’emploi.


Il a enseigné à l’ENA, au CELSA, à l’EFAP, dans plusieurs universités françaises ainsi qu’à l’École Supérieur du Commerce et des Affaires de Casablanca et à l’Université de Buenos-Aires. Il est l'auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

 

 

 

Le jardin haïku

 

Quelques beaux poêmes

 

Dans une vieille mare,

une grenouille saute,

le bruit de l'eau.

Bashö (1644-1694)

 

 

Porté par l'obscurité.

Je croise une grande ombre

dans une paire d'yeux.

Tomas Transtromer (Prix Nobel 2011), traduit par Jacques Outin


 

Sur la plage

je regarde en arrière

pas la moindre trace de pas.

Hosai  (1885-1926)

 

 

J'étais là moi aussi -

et sur un mur blanchi à la chaux

se rassemblent les mouches.

Tomas Transtromer (Prix Nobel 2011), traduit par Jacques Outin

 

 

Il n'y a rien

dans mes poches -

rien que mes mains.

Kenshin (1961-1987)

 

 

Un papillon blanc sort
D'entre les rayures d'un zèbre.

Sei Imai

 

 

Plus que de l'aveugle
Du muet fait le malheur

La vue de la lune.

Kyoraï

 

 

Au coucou

Elle ne répond rien

La girouette en fer.

Seiho Awano

 

 

Un papillon
vole au milieu
de la guerre froide
Nakamura Kusatao
 

 

 

Le printemps passe.

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes.

Bashö (1644-1694)

 

 

Plutôt  que les fleurs de cerisier

Les petits pâtés !

Retour des oies sauvages.

Matsunaga Teitoku (1571-1654)

 

 

Que n'ai-je un pinceau
Qui puisse peindre les fleurs du prunier
Avec leur parfum!
Shoha
 

 


 

Quelques essais personnels

 

Le bolet doré

au couteau de l'automne

craque mollement.

P.L.

 

 

La nuit est posée

l’hiver gagne la ville –

Frisson de moineau. 

P.L.


 

Un mille-pattes trébuche

-bruit de catastrophe-

entre quelques brins d'herbe.

P.L.


 

Cul grisâtre 

d'une bouteille lancée

dans la mer étroite -

bonjour Trieste.

P.L.

 

 

Goutte à goutte

- loupes hallucinées -

le toit s'égoutte.

P.L.

 

 

Au profond de la nuit

rentrent les meurtriers

le devoir accompli.

P.L.

 

 

Tendu comme un arc,

l'hiver scarifie

d'une autre ride le visage.

P.L.

 

 

Dans la nuit luisante

résonnent des pas

- un chien lève la patte -

P.L.

 

 

Inconsciente,

la rue se rue

vers sa fin.

P.L.

 

 

Au bal de la nuit

aux phalènes,

le pied glisse

sur les cadavres joyeux.

P.L.

 

 

La brume

nappe le relief

du jardin myope.

PL

 

 

Le rictus du caïman

remonte à l'oeil qui pétille.

Sa proie lui sourit.

PL

 

 

Le lacet défait

flâne près du soulier -

Le nez au vent.

PL

 

 

Elle a renversé son sac

à la recherche de ses clés -

Sourire amusé.

PL

 

 

Elle s'est jetée dans l'étang -

La lune abîmée

de désespoir.

PL

 

 

Où va la nuit dans le noir

quand je me retiens

de bouger et de vouloir?

PL

 

 

Le temps de la cigale

stridule sans fin,

puis tombe la nuit.

PL

 

 

Les bras écartés

il surgit de la neige

l'épouvantail brun.

PL

 

 

Aux oiseaux inquiets

l'épouvantail tend les bras -

Je crais pour ma vie.

PL

 

 

Le crabe rougit

découvrant la baigneuse -

L'eau s'est troublée.

PL

 

Le coin des livres


Réalité

Ch. André Psycho de la peur

Bruno


Precht


Billeter

Rencontres


Ch André


Savoir attendre

Gilligan

EKR

Cyrulnik-Morin


Dejours light
Cyrulnik light
Talaouit
41yAu4IM-BL. SL500 AA300
MFH

Daewoo

 


La phrase du moment

Rien n'est plus pratique qu'une bonne théorie - Kurt Lewin.

 

Patrick Lamarque

Créez votre badge