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L'Organisation mondiale de la Santé (OMS), accusée d'avoir dramatisé l'impact potentiel de la grippe A(H1N1), a fini par reconnaître des failles dans sa gestion de la pandémie. Keiji Fukuda, le principal spécialiste de la question au sein de l'organisation, a estimé que l'OMS n'avait pas suffisamment communiqué sur l'incertitude qui prévaut dans tous les cas de pandémie. "Beaucoup ont interprété cela comme un processus dénué de transparence", a-t-il expliqué.
Le principal reproche adressé à l'OMS est d'avoir insufflé un vent de panique sur les conséquences de cette pandémie grippale, la première depuis 40 ans, qui s'est révélée beaucoup moins meurtrière que l'on pouvait le craindre. Face aux recommandations de l'agence onusienne, les Etats ont accumulé des doses de vaccins qui n'ont finalement été d'aucune utilité. D'aucuns se sont interrogés sur les liens de l'OMS avec l'industrie pharmaceutique, des laboratoires comme GlaxoSmithKline ou Sanofi-Aventis ayant engrangé de confortables bénéfices grâce aux vaccins.
La souche de grippe A(H1N1) est apparue au Mexique et aux Etats-Unis il y a un an exactement. Elle a provoqué la mort de 17.770 personnes dans 213 pays, selon l'OMS, qui a déclaré l'état de pandémie mondiale en juin 2009. La plupart des victimes étaient jeunes, d'un âge moyen de 37 ans, contre 75 ans pour la grippe saisonnière. La pandémie est toujours officiellement en cours.
Peurs et web 2.0
L'échelle d'alerte à la pandémie de l'OMS, qui compte six degrés, aurait entretenu une certaine confusion. Celle-ci prend en compte la progression géographique d'un virus, mais pas son degré de gravité.
L'OMS a bien tenté de mesurer la gravité de la nouvelle souche en comparant les taux de mortalité, mais cela s'est révélé difficile car la fiabilité des informations varie en fonction des pays, certains d'entre eux ne disposant même pas de registres des naissances et des décès.
Keiji Fukuda a noté qu'un autre virus grippal, celui de la grippe aviaire H5N1, beaucoup plus mortel - 60% des personnes infectées en sont mortes depuis 2003 - avait contribué à augmenter la peur d'une prochaine grande pandémie. Il a également jugé difficile de répondre à la demande des opinions publiques au fur et à mesure de l'expansion du virus, et remarqué que les blogs, Twitter et autres nouveaux médias avaient alimenté rumeurs et critiques. "Toutes les populations du monde attendaient des informations immédiates", a-t-il dit. "D'une certaine manière, il n'y a aucun droit à l'erreur."
Il y a eu "des informations, des rumeurs, beaucoup de spéculations et des critiques dans de nombreux supports" médiatiques, a rappelé le conseiller spécial pour les grippes de l'OMS, Keiji Fukuda, en revenant sur les difficultés rencontrées par l'organisation dans sa communication sur la pandémie.
Les experts ont donc décidé de se pencher plus en détail sur la question de la communication, à propos de laquelle le Dr Fukuda a reconnu qu'il y avait eu de la "confusion", notamment en ce qui concerne la terminologie utilisée à propos du virus et de la pandémie.
Un ancien responsable des maladies contagieuses de l'OMS, David Heymann, a lui aussi estimé qu'il y a désormais "un nouveau facteur" à prendre en compte dans la communication sur les grandes crises sanitaires."Il est très difficile de corriger les idées erronées" une fois qu'elles circulent sur internet et dans les réseaux sociaux, a-t-il expliqué.
Campagnes anti-vaccin
"Les campagnes anti-vaccination ont compliqué la tâche des services de santé publique", a aussi fait valoir le dr Fukuda, alors que les vaccins ont cristallisé nombre de critiques contre la gestion de l'OMS. Des cas d'allergies graves au vaccin, et des décès suspects chez des personnes venant d'être vaccinées, ont été amplement commentés et relayés, renforçant la réticence des populations à se faire vacciner.
Nombre de pays se sont alors retrouvés avec des millions de vaccins inutilisés promis à la destruction, déclenchant une polémique sur l'exagération de la menace par l'OMS sous pression des laboratoires pharmaceutiques, alors même que le virus se révélait moins meurtrier qu'initialement craint.