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Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours

L’éthique du coach au cœur de la pensée du temps

Marc Augé, ethnologue et président de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de 1985 à 1995, nous a livré l’an passé  un intéressant opus titré « où est passé l’avenir ? ». Avec cet ouvrage, il nous offre une lecture lumineuse du temps dans la société globalisée qui est la notre en nous permettant de confronter notre posture de coach au devenir du monde.

 

L’immanence du passé

Partant de la temporalité de l’individu, l’auteur relève trois paradoxes. D’abord celui, inhérent à la conscience que prend l’individu d’un temps qui a existé avant lui et qui continuera au-delà de lui. Ensuite, et quasi a contrario, ce paradoxe qui tient à la difficulté pour le mortel, tributaire d’un commencement et d’une fin, de penser le monde sans lui assigner ni naissance ni terme. Enfin, troisième paradoxe celui de l’événement, toujours attendu et toujours redouté (guerre, catastrophes…) qu’il lui faut maîtriser intellectuellement et symboliquement.

 

À cet égard, les cultures polythéistes, qui ont été privilégiées par la première ethnologie, sont étrangères à toute idée de transcendance et vivent une culture de l’immanence qui dénie à l’événement son caractère contingent. Et les croyances longtemps définies comme sorcellerie sont autant d’expression de la « structure sociale », soit l’ensemble des relations sociales possibles entre les individus. Quant aux dieux polythéistes, ils sont d’anciens hommes qui se manifestent à travers les rêves ou les phénomènes de possession.

 

Pour Marc Augé, il semble possible de rapprocher cette culture de l’immanence de ce que Bourdieu nomme « habitus » et qu’il définit comme un « système de dispositions à être et à faire » associé au « désir de créer les conditions de son accomplissement ».

 

Cet emboîtement des générations et cette prégnance du passé représentent l’état des faits opérants chez le client, d’où les coaches doivent partir pour accompagner l’émergence de la solution propre à chacun d’eux.

 

Le global au centre, le local en périphérie

Or, depuis deux décennies, le présent a imposé son hégémonie. Il efface la lente maturation du passé et ne laisse pas transparaître les linéaments du futur. Il « s’impose comme un fait accompli, accablant, dont le surgissement soudain escamote le passé et sature l’imagination de l’avenir ». Nous voilà plongés dans un « monde à consommer mais non à penser ». Évidemment ce monde est globalisé au sens où ce terme correspond à l’extension sur toute la surface du globe du marché libéral et des réseaux technologiques de communication et d’information. Reprenant alors Paul Virilio, Marc Augé considère que le global s’est imposé comme l’intérieur du monde, tandis que le local en est devenu l’extérieur.

 

Plus problématique encore, si ce nouvel espace techno-économique planétaire existe bien, on n’observe pas d’espace public planétaire, alors même que nous sommes de plus en plus conscient que nos vies dépendent profondément de décisions lointaines. Rendus à ce point, nous croisons la thématique de la fin de l’histoire, popularisée par Fukyama, qui ne représente évidemment pas la fin de l’histoire événementielle, mais « l’affirmation d’un accord supposé général sur le caractère définitif de la formule qui associe économie de marché et démocratie représentative ». Un thème qui, comme le souligne Marc Augé, « refuse l’espoir à tous les exclus du système global » et porte en lui toutes les violences.

 

Le contemporain n’est pas l’actuel

Traversant une intéressante digression sur la contemporanéité dans l’art, l’auteur remarque que l’on a besoin à la fois du passé et du futur pour créer une œuvre qui parle à son époque. Il  note : « il s’agit pour les artistes mais aussi pour les observateurs de la société et pour les politiques, de retrouver le sens du temps, et au-delà une conscience historique, pour bâtir une contemporanéité réelle ». Dit autrement, il faut éviter de confondre l’universel qui parle à chacun et le global qui s’attache à la normalisation de tous.

 

Or, puisque l’identité se construit dans la relation aux autres, nous nous constituons plus dans les marges du monde dominant qu’en son intérieur qui ne nous propose aucune place autonome. Nous sommes ainsi menacés par un exil beaucoup plus profond que l’éloignement territorial, l’exil vis-à-vis de nous-mêmes et de notre propre identité.

 

Ici aussi, ces réflexions sur la société telle qu’elle va interpellent les coaches en ce qu’ils s’assignent clairement pour mission le développement de la personne, dans sa singularité et que le refus de la modélisation se tient au cœur de leur éthique.

 

Voici donc un bel outil de renforcement de notre posture professionnelle.

 

M. AugéMarc Augé

Où est passé l'avenir ?

Le Seuil, coll. Points, Essais, janvier 2011

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