Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
Pas assez nombreux, manquant d'indépendance et s'interrogeant sur leurs missions, les médecins du travail peuvent difficilement jouer leur rôle face à la montée des risques psycho-sociaux en entreprises. Une réforme a pourtant été lancée en 2008. Reste à savoir si elle est possible.
Moins de praticiens, plus de risques et une réforme au point mort. : la médecine du travail est malade. À l'heure où les risques psychosociaux augmentent, où les suicides en entreprises défrayent la chronique, ceux qui sont aux premières loges pour entendre la souffrance physique et mentale des salariés ssont environ 6500 aujourd'hui pour couvrir 15 millions de salariés du secteur privé. En moyenne, ils doivent suivre 3000 salariés par an. Difficile de bien faire dans ces conditions.
Le manque de médecins
Certains n'hésitent pas à dénoncer une action délibérée des pouvoirs publics. En tout cas, si rien n'est fait en terme de recrutement, la situation pourrait devenir catastrophique. Dans les cinq ans à venir 1700 médecins partiront à la retraite, quand moins de 300 seront formés chaque année. De plus, cette formation est dévalorisée dans le cadre des études de médecine. Enfin, les médecins du travail qui n'ont pas le pouvoir de faire des actes de prescriptions sont peu considérés par leurs pairs.
L'inefficacité du système aussi est souvent remise en cause. Les médecins sont inondés par les visites médicales obligatoires et n'ont pas le temps d'être les observateurs de ce qui se passe réellement dans l'entreprise. Or la souffrance au travail, elle, est en constante augmentation. Qu'elle soit physique, comme le rappellent les drames de l'amiante, ou psychologique, comme le souligne l'exemple France Télécom.
L'indépendance du médecin
La réforme lancée en 2008 peine à se concrétiser. De fait, l'indépendance du médecin par rapport à l'employeur, demandée depuis longtemps, a du mal à être effectivement acceptée. Conseiller à la fois de la direction, des salariés et de leurs représentants, le médecin du travail est en effet confronté à des fonctions contradictoires qui l'empêchent de mener à bien ses missions. En atteste l'exemple France Télécom qui a vu plusieurs de ses médecins démissionner pour cause de pressions inconciliables.
L'indépendance financière, un gage d'efficacité ?
C'est un autre cheval de bataille des syndicats. Car depuis quelques années, plusieurs affaires sont venues jeter le discrédit sur les modes de financement de la médecine du travail. Cette dernière servirait en effet à subventionner les caisses régionales du Medef. Pour remédier à cette opacité, la Commission Copé, a suggéré de couper le lien financier existant entre l'entreprise et le médecin du travail. Les médecins ne seraient alors plus rémunérés par l'entreprise mais par un fond de cotisation alimenté par les entreprises. Si cette avancée est souhaitable, résoud-elle la question de l'indépendance réelle des médecins du travailleurs vis à vis des employeurs ? Rien n'est moins sûr.
Mais les propositions du Medef présentée en septembre dernier en conclusion de 8 mois de négociation n'envisagent pas cette piste. Bien au contraire. Le médecin du travail, serait selon ce texte, mis sous la tutelle d'un directeur de santé au travail chargé de chapeauter l'ensemble du Service de Santé au Travail (SST) de l'entreprise. Par ailleurs, pour renforcer les effectifs, il serait assisté d'équipes pluridisciplinaires, composées d'infirmières, d'ergonomes de psychothérapeutes... qui viendrait en complément de l'action médicale pour plus d'efficacité.
Les propositions du Medef, reprises par Xavier Darcos début décembre devant le COCT (Conseil d'orientation sur les conditions de travail), visent à démédicaliser la prévention au travail. Elle vont droit dans le mur, comme je le disais déjà au début du mois de décembre. Car à la différence des médecins du travail une infirmière ou un psychiatre n'est pas un salarié protégé.