Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
J'ai trouvé chez le peintre Bram Van Velde (1895-1981) une attitude, face à la vie comme face à son oeuvre, qui présente toutes les caractéristiques d'une leçon posturale à l'usage du coach (si j'y allais de façon cavalière, le parlerais même de "l'assiette" du coach). Bram, tel que le décrit son ami le poête et critique d'art Charles Juliet (1), sait se retirer, s'absenter de la vie pour laisser advenir la fulgurance qui donnera naissance à la toile.
Plus on sait, moins on est
Il faut dire qu'il a assez peu peint dans sa longue carrière exclusivement consacrée à son art. Environ 300 toiles en toute une vie, soit à peu près la production de Picasso dans la dernière année avant sa mort ! C'est un homme qui - au prix de l'acceptation d'une misère souvent profonde qui l'accompagna tout du long - est parvenu à s'abstraire du monde et de ses nécessités pour laisser advenir à lui l'impératif de créer. "L'artiste, dit-il, est celui qui est sans vouloir". Au point de se tenir dans l'absolue concentration du présent : "l'important, c'est de n'être rien", jette-t-il avant de compléter par ce constat, "le plus difficile c'est de ne pas vouloir". Car, et c'est peut-être là une de ses clés, "plus on sait, moins on est". Ou encore, "surtout, ne jamais s'affirmer".
Évidemment, il ne faut lire là aucune ode à l'inaction ni à la mollesse. Assis sous un arbre où il passe des heures à méditer, "je ne reste pas là sans rien faire. Mais, je travaille intensément". Tout simplement parce que "la toile ne vient pas de la tête, mais de la vie".
Je suis aux côtés de la faiblesse
Car une extrême intensité traverse cet oeuvre homogène, obsédé par le centre, le point focal, cet ombilic de la toile autour duquel se désagrège le tragique de la vie dans des tons souvent terreux. Un désordre de catastrophe qui pourrait bien révéler la profondeur et la beauté chahutée du monde.
Bram Van Velde doit nous inspirer dans notre pratique de coach. Singulièrement par cette présence en vérité, sans fard ni tentation de se relier au passé pour y trouver l'explication ou la justification qui sauverait. En apparence. Un présence qui ne fait pas l'économie du tragique ("je suis aux côtés de la faiblesse", dit-il) mais qui dispose toujours de ce centre essentiel autour duquel tout s'organise et qu'il nous appartient de rechercher pour soutenir notre client dans sa volonté d'avancer. Même si, comme l'énnonce Bram, "nous sommes toujours deux (i.e. en chacun de nous). Un vivant et un mort. Et ils sont constamment aux prises".
Avec, enfin, cette modestie en manière de leçon à tout thérapeute futur, accompagnant ou ami qui fait un bout de parcours avec un autre : "on ne peut que très peu pour autrui. Il est très difficile d'aider l'autre sans le trahir". Pourtant, nous nous y efforçons.
1 - Les citations sont issues de l'ouvrage de Charles Juliet, Rencontres avec Bram Van Velde, P.O.L., 1998.