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Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours

La réponse est le malheur de la question

1022805 3 7aef vue-non-datee-du-sahara-occidental-le-marocCette assertion lapidaire de Maurice Blanchot (1) ouvre tout un champ d’interrogation au coach soucieux de favoriser l’autonomie de son client.

 

Car toute réponse ferme la question en manière d’impasse. Elle renie la richesse du carrefour qui s’ouvrait et ses multiples opportunités, visibles ou encore tapies dans l’ombre. Au début du XXème siècle, les pionniers de l’aéronautique s’élançaient sur leurs libellules de toile et de bois depuis un terrain d’aviation formant cercle. Ainsi pouvaient-ils prendre appui sur le vent de face pour s’élever dans l’air… sauf à casser du bois en limite de terrain. Alors, le plus souvent, ils s’en relevaient pour tenter de nouveau l’aventure. Car si leur but restait l’exploit à accomplir, leur enjeu demeurait l’arrachement à la pesanteur.

 

La réponse s’inscrit dans l’avis d’un autre – sa vie –. Elle nie l’enjeu de celui qui a formulé sa question, tant il est vrai qu’il n’y a pas une question, mais ma question. À chacun sa trace. Rectiligne ou sinueuse, qu’elle tourne en rond ou bien qu’elle se déplace en diagonale, ma trace exprime mon but et mes enjeux en s’infléchissant selon sa propre poussée. De façon consciente ou implicite.

 

D’ailleurs, en posant son cadre, cette règle me libère de la camisole des us, coutumes et préceptes contraignants dans un mouvement d’affirmation de ma liberté. À la façon du scripteur ou du peintre forgeant son geste personnel, cet Unique Trait de Pinceau qu’évoquait Shitao, au début du XVIIIème siècle, dans ses « propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère " (2). Car, « si loin que vous alliez, si haut que vous montiez, il vous faut commencer par un simple pas », ajoutait Shitao. En ce sens, le parcours entier germe dans ce premier pas quoique ses possibles inflexions demeurent en suspens. Germe aussi dans ce pas la riche complexité et les fines traces d’une réalité que j’empoignerai à ma façon.

 

Apporter réponse à  la question posée serait, d’une certaine façon, commettre un rapt. Quelle histoire auraient écrite les Sabines, si elles étaient demeurées auprès des Sabins ? Moins conquérante et moins brillante, peut-être. Plus personnelle, sans doute. Quoique nous pensions de la Romanité, laissons les Sabins être pleinement eux-mêmes. À leurs questions, répondons par d’autres questions qui, au lieu de les enfermer dans le carcan de nos choix, les incitent à multiplier les leurs, en ouvrant sur de nouvelles routes. Ou bien à poursuivre celle qu’ils ont déjà prise.

 

Méfions-nous donc des réponses. Prenons garde à leur conclusion qui anticipe l’examen de la question. Méfions-nous de ceux qui aperçoivent moult solutions et nul problème. Méfions-nous d’eux comme nous nous méfions des normes, des procédures et des boîtes à outils d’importation dont on voudrait nous faire accroire qu’elles répondent à nos questions quand elles ne visent qu’à résoudre des préoccupations auxquels nous sommes étrangers. À moins qu’à les observer de près, nous y trouvions quelque fil à nouer à notre trame.

 

 



1 Dans L’entretien infini, Gallimard, Paris, 1969

 2 RICKMANS Pierre (plus connu sous son pseudonyme de Simon Leys), Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère, Traduction et commentaire de Shitao, Plon, Paris, 2007

 

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