Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
Appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable
Collegium International
Sous la direction de Michel Rocard
Avec Mireille Delmas-Marty, Michael W. Doyle, Sacha Goldman, Stéphane Hessel, Bernard Miyet, Edgar Morin, René Passet, Peter Sloterdijk
Éditions LLL Les Liens qui Libèrent, Paris, 2012
« Penser global, agir local », la formule de René Dubos, lancée lors du premier sommet de l’environnement en 1972, a fait florès. Plutôt chez les défenseurs du développement durable et chez les promoteurs de la mondialisation financière que chez les politiques, en retard d’un bon siècle. Pourtant, il y a urgence à agir car l’idée de souveraineté nationale, dans le creuset de laquelle les dirigeants publics trempent leur légitimité, n’est plus qu’une illusion. « À l’interdépendance des États correspond l’interdépendance des défis qui s’imposent à nous : les liens entre inégalités de développement, dérèglement climatique, sécheresses, pauvreté, flux migratoires, populismes, tensions sociales, conflits, terrorisme (…). (Or), ce qui fait office de gouvernance mondiale aujourd’hui est gravement insuffisant », souligne Sacha Goldman en préface à cet ouvrage collectif, en ajoutant que « le premier pas vers cette gouvernance mondiale, c’est de la penser ».
Tel est le but que s’est assigné leCollegium international, qui réunit, autour de Michel Rocard, une pléiade d’ancien premiers ministres ou chefs d’États et d’intellectuels de premier plan, parmi lesquels Edgar Morin, René Passet, Peter Sloterdijk ou Stéphane Hessel. Ensemble, ils ont élaboré un « appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable », remis au Secrétaire général de l’ONU.
À juste titre, ils remarquent que la crise mondiale que nous traversons est sans précédent dans l’histoire et totalement polymorphe, ajoutant – et c’est le point clé- qu’aucun de « ces phénomènes en peut être considéré isolément. Ils sont tous fortement interconnectés et forment une seule polycrise menaçant ce monde d’une polycatastrophe ». Il est donc essentiel, au plan institutionnel et diplomatique, de reconnaître nos interdépendances, d’autant que « nul de nous États ou aucune institution internationale n’est plus aujourd’hui en mesure de faire respecter un ordre mondial et d’imposer les indispensables régulations globales ». Ce sont donc les limites de la notion de souveraineté étatique qu’il faut questionner en élaborant des modèles d’organisation alternatifs à l’hégémonie, jusque-là expérimentée comme la solution unique.
Partant, le Collegium international propose une série de mesures, parmi lesquelles :
- l’évolution de la souveraineté nationale vers la souveraineté partagée,
- l’établissement d’une justice à vocation universelle,
- le renforcement de la sécurité internationale dans le prolongement du « devoir de protéger les populations « invoqué par le Conseil de sécurité à propos de la Libye,
- l’affirmation du principe d’une « terre-patrie » (qui marque la profonde influence de la pensée d’Edgar Morin sur le Collegium),
- la sauvegarde de la biosphère,
- la suppression des armes de destruction massive,
- le contrôle de l’énergie nucléaire,
- la reconnaissance des droits fondamentaux des individus,
- le développement d’institutions représentatives des communautés internationales régionales,
… en adoptant une Déclaration Universelle d’Interdépendance.
Bien sûr, les pragmatiques invétérés esquisseront un sourire. Mais, aucune avancée importante ne s’est jamais déclenchée sans que des précurseurs ne défrichent le chemin dans la jungle des bienpensances et des jugements acquis. À la lecture de cette intéressante contribution collective, nous éprouvons le sentiment d’une voie à défricher. Une voie immense mais qu’il est devenu urgent d’ouvrir.