Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
Un homme enferré dans un conflit personnel immense. Voilà comment m'est apparu Georges Papandréou annonçant sa décision de soumettre à référendum le plan de "soutien" à la Grèce. Un homme débordé par un considérable conflit de loyauté entre une logique économique dont il comprend la dimension imparable et une souffrance populaire dont il sait qu'elle a atteint un seuil insupportable. Voilà, digne d'une tragédie grecque, le dilemme dans lequel il s'est trouvé emprisonné et dont il n'a pu sortir autrement que par une manière de suicide politique. Comme Socrate absorbant la cigüe, il choisit ainsi sa liberté pour se prémunir d'un enfermement insupportable.
Dans le cas de Georges Papandréou, ce qu'il faut bien comprendre c'est que cet héritier d'une puissante lignée politique, élevé aux États-Unis et au Canada, connait la chose internationale et a parfaitement intégré les lois économiques mondiales. Mais, dans le même temps, il ne peut supporter de plonger à la fois lui-même et sa lignée dans une malédiction digne de celle des descendants d'Oedipe.
Sans doute l'avez-vous vu souriant, l'oeil vif à l'issue de la négociation de Bruxelles, le 27 octobre et les yeux dans le vague, tournés vers lui-même, quelques jours plus tard quand il présenta le plan de redressement à son pays. Incapable de maintenir sa cohérence interne dans cet écartèlement, il a choisi de disparaître pour ne plus s'y trouver confronté. Disparaître comme de Gaulle après un référendum raté ou disparaître plus rapidement en perdant sa majorité au Parlement, peu importe. Ce qui compte, à ce stade, ce n'est plus tel ou tel calcul stratégique, machiavélique ou maladroit, c'est sa tête offerte au bourreau.
Ce choix doit nous donner à réfléchir, car ils sont en effet nombreux, les dirigeants publics ou privés pris entre une logique économique implacable et une responsabilité humaine effrayante. Mais, à la différence de Papandréou, ils restent le plus souvent sourds aux souffrances et attentifs au ROI, le fameux Return On Investissement.
Dans son dernier souffle tel que nous le rapporte Platon dans le Phédon, Socrate murmure : "Criton, nous devons un coq à Asclépios; payez-le, ne l'oubliez pas". Comme quoi on peut à la fois échapper au dilemme insurmontable et payer scrupuleusement ses dettes.