Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
De plus en plus, travailler c’est souffrir. Et si nos entreprises faisaient un mauvais calcul en renforçant les pressions au lieu de les alléger pour que chacun puisse véritablement jouir du travail ?
S’engager
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se soucier du niveau d’engagement de leurs employés, convaincues qu’il représente un des leviers de leur performance. Pour le mesurer, nombre d’entre elles déploient annuellement des sondages internes pour en mesurer le niveau et établissent des "benchmarks" avec les entreprises de leur secteur.
Or, la performance est directement reliée au niveau d’énergie des individus. Des études conduites par le mouvement de psychologie positive né aux USA dans les années 90 ont porté sur ces notions d’énergie, de dynamique de motivation et de déclencheur de bonheur. Elles montrent que deux facteurs élèvent le niveau d’énergie : la peur, le plaisir.
Trembler
Notre éducation nous a souvent conditionnés (en particulier en France) à fonctionner sur la peur : peur de l’échec, de la sanction, de manquer, de perdre, du jugement. D’où résulte la prévalence d’un modèle relationnel fondé sur la défiance et la peur de l’autre, du rival, de l’étranger… Or la peur peut engendrer trois types de comportements : l’inhibition et l’immobilisme total ; l’évasion qui engendre la démission ; l’affrontement déclenché par la colère.
Il faut bien convenir que la peur constitue souvent l’énergie dominante dans le monde professionnel par le conditionnement dû à notre éducation et par la logique de défis permanents autour d’objectifs toujours plus élevés et des moyens plus restreints. Cette peur risque de conduire à l’épuisement des forces vitales des individus que traduit le "burnout".
Plaisir
Peut-être à cause de son étymologie qui renvoie au « tripalium », instrument de torture romain, le travail semble souvent antinomique de la notion de plaisir. Il est même parfois tabou, au plein sens d’interdit social.
Pourtant, le plaisir représente cette sensation que nous connaissons tous, lorsque le temps n’existe plus et où, pris dans un flux d’énergie vitale, nous donnons le meilleur de nous dans la tâche accomplir.
Dans les entretiens que nous conduisons avec des collaborateurs d’entreprises différentes, ceux-ci évoquent comme facteur de plaisir au travail les moments de lien (rencontres avec leurs collègues, travail en équipe, cafétéria ou cantine…), la fierté du travail bien fait, le sentiment d’être utile, la faculté de créer ou encore la reconnaissance par le supérieur et les collègues. Le salaire n’est que rarement cité.
Cette notion de plaisir est fortement ancrée dans les attentes de la génération Y ou "Digital Natives" nées après 1990 qui commencent à pousser la porte des entreprises. Ils recherchent l’interaction avec les autres et le lien représente pour eux un enjeu véritable. Il en va de même pour les femmes si l’on entend les sociologues du « Care ». Les unes et les autres aspirent à considérer le travail comme un jeu et fuient les luttes et la compétition exacerbée.
Si l’on croit que l’homme n’est pas fait pour la souffrance, mais bien pour vivre heureux, alors peut-être est-il temps de considérer comment l’entreprise pourrait devenir un lieu de plaisir pour contribuer à ce que la tradition philosophique nomme la « vie bonne ».
La plupart des actions conduites dans les entreprises aujourd’hui se focalisent sur les risques psychosociaux et le stress. Pourquoi, au contraire, ne pas chercher les voies et moyens d’une meilleure qualité de vie au travail en rétablissant, au cœur des processus de travail, la notion de plaisir ?