Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
Intéressante cette fin de grève chez Total : on y voit clairement déployé le rôle essentiel des syndicats dans la concrétisation d'une transaction et son acceptation par les grèvistes. Libération, dans sa livraison de ce jeudi, rend compte des assemblées générales, tenues par les salariés sur les différents sites, après huit jours de grève.
Un certain malaise flotte, car il s'agit en clair d'abandonner à leur sort les camarades de la raffinerie des Flandres dont la production va être arrêtée. Face à ce sentiment amer, qui s'exprime parfois avec force en rappelant la position de la CGT au début du mouvement (elle voulait "aller jusqu'au bout pour les copains des Flandres"), les syndicalistes usent de leur savoir-faire argumentatif : "on n'abandonne rien et on verra au moment du prochain Comité d'Entreprise du 8 mars si la direction a tenu ses promesses (i.e. peu de jours avant le premier tour des régionales) ". La grève n'est que "suspendue" déclare-t-on, tout en sachant qu'il sera quasi-impossible de relancer un mouvement massif. On valorise aussi les promesses de la direction : reclassement sur place pour les "Flandres", garantie de ne toucher à aucune autre raffinerie dans les cinq prochaines années. Sans compter le paiement des jours de grève.
Bien sûr, certains participants renâclent. "Vous avez lâché", entend-on. Sous-entendu (mais pas carrément exprimé), vous vous êtes couchés devant la direction. En face, les délégués à la manoeuvre déclarent qu'ils ne veulent "pas entendre qu'on a laissé tomber les copains des Flandres". Mais, en privé, ils murmurent qu'un "redémarrage du site de Flandres, fallait pas trop en demander".
Douloureux exercice, certes. Mais, en même temps voilà un bel exemple de ce que la négociation bien conduite permet d'atteindre, grâce au rôle essentiel des partenaires sociaux, surtout dans une période difficile comme celle que nous traversons. Qui d'autres que des personnes proches des ouvriers au quotidien, pouvait permettre à l'inquiétude de s'exprimer et au travail de reprendre sans mobiliser la force?