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Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours

Toyota : 20 ans après, on rejoue la crise Perrier

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Février 1990 - février 2010, à 20 ans d'intervalle, le même enchaînement catastrophique frappe deux marques mondialement connues à la réputation de qualité fermement établie.

> Début février 1990, un laboratoire de Caroline du Nord découvre d'infimes traces de benzène dans des bouteilles d'eau Perrier. Pas de quoi fouetter un chat aux yeux de la pourtant sévère Federal Drug Administration. Néanmoins, le 14 février, le président de Source Perrier, Gustave Leven, décide de retirer du marché mondial la totalité de ses eaux, soit 165 millions de bouteilles.

> Mardi 2 février 2010, les autorités américaines, lasses des atermoiements de Toyota, accusent l'entreprise de tarder à remédier à une défaillance de la pédale d'accélération sur certains modèles, contraignant le constructeur japonais à rappeler 8 millions de voiture dans le monde (voir Libération du 4 février qui fait une excellente double page sur le sujet).

Dans ces deux affaires, à deux décennies de distance, les mêmes erreurs se jouent en termes de gestion de crise : tentation du déni, enlisement technique, acharnement dans le silence et abcès maladroitement crevé... Comme si les leçons du passé ne servaient à rien !

L'obscur objet du déni

Pour ces entreprises orgueilleuses, l'erreur est inimaginable. Elles ont beau proclamer leur éthique de la transparence de plaquette en plaquette, l'omerta Les gagne à la vitesse d'un feu de garigue dès que l'adversité apparaît.

Perrier eût ainsi beaucoup de difficulté à révéler un secret de fabrication : l'eau ne surgit pas du sol en pétillant mais elle gagne sa propriété particulière grâce à l'ajout de gaz carbonique prélevé sur le site même de Vergèze, à 400 mètres sous terre. Quant à Toyota, pourtant un des principaux chantres du Zéro défaut, les 19 morts et les 815 accidents recensés ces dix dernières années sont exclusivement dû au fait que les clients concernés avaient un problème avec leur tapis de sol.

Mais cet acharnement à se voiler la face s'écroule soudain quand surgit un cas emblématique que les médias reprennent en boucle, comme cet appel enregistré par les secours américains à San Diego (Californie)  le 28 août dernier : "Nous sommes dans une Lexus. Nous allons vers le Nord sur la 125 et notre accélérateur est bloqué. Nous allons à 120 miles (i.e. 200 Km/h). Nous sommes en difficulté. Il n'y a plus de freins. Nous approchons de l'intersection. Nous approchons de l'intersection. Tenez bon les gars. Priez, priez... Oh ! Oh ! Oh! ". Puis, quatre morts dans la voiture écrasée.

L'enlisement dans un argumentaire technique

Dans les deux cas, la même difficulté à avouer. Perrier refusa avec acharnement de révéler son secret de production. Toyota s'enlisa dans des argumentaires peu convaincants. Les accidents étaient dus à un mauvais design du plancher et de la pédale d'accélération. Puis, la pédale elle-même fut mise en cause sans convaincre, avant que les investigations s'engagent (mais elles ne sont pas encore officiellement admises par la firme) sur la voie d'une mauvais conception du dispostif électronique (cela ne vous rappelle rien?).

Dans ces circonvolutions argumentaires, la crédibilité, gagnée au fil des années au prix de considérables efforts, s'effondre à une vitesse vertigineuse.

L'aveu mutique


Comment avouer après une pareille attitude de déni? Et comment le faire en étant crédible ? Il est si pénible de se soumettre à une pareille démarche que toutes ses fibres s'y refusent. La tentation du mutisme est grande, au point que l'on attend toujours les regrets et la contrition (pourtant si commune au Japon) du patron  et petit-fils du fondateur, Akio Toyoda. Et pour l'instant, aucun hara kiri n'est rapporté.

Aussi, lorsque l'aveu vient, il arrive comme un enfant non désiré. À l'image de cette conférence de presse organisée par Perrier dans l'espoir d'éteindre l'incendie médiatique, au cours de laquelle la chaise du président Leven s'effondra sous lui devant les caméras du monde entier.

Qu'en sera-t-il alors quand les grands patrons du groupe viendront se prosterner en public pour demander pardon?

L'abcès mal percé

Quand un crise a ainsi démarré, inutile d'espérer qu'elle se concluera brillamment. Perrier, lors de la remise de ses bouteilles sur le marché, investit en un an 20 millions de dollars dans une campagne publicitaire courageuse ("Perrier is worth waiting for" ou "Perrier mérite qu'on l'attende"). Mais, deux ans plus tard, il n'avait retrouvé que 60% de ses parts de marché.

De parts de marché, il en est d'ailleurs question puisque certains observateurs considèrent que Toyota a volontairement étouffé l'affaire pour passer devant ses concurrents américains lorsque ceux-ci se trouvaient au bord de la faillite. Mais qu'adviendra-t-il avec les "class actions" qui se préparent aux États-Unis et au Canada tandis que le titre est attaqué en bourse?...

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