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Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours

Une société du mépris

MéprisLa société du mépris

Vers une nouvelle théorie critique

 

Axel Honneth

La Découverte / Poche

Paris, 2008, 350 p.

 

Axel Honneth est au centre des débats sur les questions de reconnaissance depuis la publication en 2000 de La lutte pour la reconnaissance. Ce texte a très vite été absorbé par les théories managériales à mesure que le débat sur les risques psychosociaux s’amplifiait, tant il est vrai que tous les spécialistes du travail ont rapidement compris la place du soutien et de la reconnaissance dans la capacité des personnes à faire face au stress.

 

La revitalisation de l’école de Francfort

Pourtant, les textes d’Honneth n’ont pas pour vocation de venir compléter la trousse à outil des DRH et de leurs consultants. Successeur de Horkheimer, Adorno et Habermas à la tête de l’école de Francfort, il est surtout soucieux de reconstruire patiemment la théorie critique. Habermas avait déjà mis en relief le déficit sociologique qu’avait laissée la tradition critique, focalisée sur l’économique. Mais, s’il avait permis de « redécouvrir le social », il était resté trop centré sur l’entente intersubjective en négligeant, pour Axel Honneth, les conflits qui traversent le social et contribuent à sa formation : pour comprendre le monde qui va, il ne faut pas demeurer aveugle aux expériences morales de l’injustice et de l’offense. Il aboutit donc à la conviction qu’une théorie du conflit social, fondée sur le paradigme de la communication, fait défaut à la théorie critique. Une théorie enracinée dans le vécu et non pas une métaphysique ou une morale posées a priori et qui accorde à des gestes simples du quotidien (gestes positifs, sourires, expressions du visage…) une valeur de manifestation de cette relation morale.

 

Honneth parcourt ainsi la tradition de la philosophie sociale contemporaine pour y ajouter l’idée centrale que la lutte vise moins la préservation du soi que l’établissement de relations de reconnaissance, abordée sur la base des trois sphères les déterminant : celle de l’amour qui favorise la confiance en soi, celle du droit qui donne le respect de soi et celle de la solidarité à l’origine de l’estime de soi.

 

Souffrir d’invisibilité sociale

Il est vrai que la société regorge d’exemples de négation de la valeur sociale des individus qui les entraîne dans une expérience du mépris, laquelle affecte évidemment leur rapport à soi. À l’inverse de la tradition utilitariste de la « lutte pour l’existence », ce modèle du conflit saisit les motifs de résistance sociale et de révolte à l’aune des expériences morales vécues par les personnes. Pour Honneth, loin de constituer une menace pour l’ordre social comme chez Hobbes, le conflit est, le médium de l’intégration sociale.

 

Cette philosophie en train de se déployer conduit à accorder une attention renforcée aux pathologies du social. Ainsi ce qu’il nomme « l’invisibilité sociale » qui correspond à une modalité du mépris en niant la « valeur sociale » des personnes concernées. Avec pertinence, il introduit également l’idée que la reconnaissance précède la connaissance et remplit une fonction majeure dans le processus d’individuation avant de s’élever contre la mutation de son idéal d’émancipation en de nouvelles contraintes au service du système économique.

 

Mais, la compréhension du conflit qui se noue ici, suffira-t-elle pour répondre à l’aspiration à une vie meilleure et refonder la théorie critique ou faudra-t-il en venir à une nouvelle théorie de la lutte ?

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