Paul Virilio
L'administration de la peur
ÉD. Textuel, Paris, 2010
Paul Virilio, 78 ans, urbaniste d’origine, est devenu sociologue et philosophe à force de penser inlassablement la vitesse. Depuis 1977, date à laquelle il a publié Vitesse et Politique, essai sur la dromologie, il réfléchit à l’accélération du monde et à ses conséquences sur l’homme, l’économie, l’environnement, la géopolitique. Il lie le territoire aux technologies qui permettent de le parcourir et de le contrôler. TGV, pigeon voyageur ou Internet, avion ou minitel, qu’il s’agisse des techniques de communication ou des techniques de déplacement, il définit le territoire comme un espace-temps qui rapetisse.
Dans son dernier ouvrage, l’Administration de la peur, il soutient que la peur est un moyen de gouverner. De fait, dans nos sociétés - des origines monarchiques à la démocratie -, la peur a toujours fait partie des moyens de gouverner. On le voit aujourd’hui avec les politiques sécuritaires. Le pouvoir de la peur domine le pouvoir de la reconnaissance du bien public. Toute une génération parle à travers ce livre et constate que la peur est entretenue par d’autres moyens, d’abord atomiques, puis terroristes et écologistes.
Virilio met ainsi en avant trois peurs : l’équilibre de la terreur, le déséquilibre de la terreur et la peur écologique. L’équilibre de la terreur a cessé avec la chute du mur de Berlin, cédant la place au déséquilibre de la terreur. Celui-ci correspond au terrorisme, qui peut survenir à tout instant, partout, à Londres, New York ou Madrid. Actuellement, nous vivons une nouvelle grande peur, la peur écologique.
Il faut absolument, soutient l'auteur, éviter que l’écologie conduise aux mêmes paniques. Après la forme interétatique de la guerre froide, forme plus complexe du terrorisme, la peur écologique lui rappelle le Lebensraum, cette notion géopolitique de l’espace vital. Aujourd’hui, l’idéologie de l’espace vital peut se superposer à l’idéologie de l’écologie même s'il faut préserver notre lieu de vie.
Pourquoi cette peur ? parce que tout ce qui menace notre vie fait peur . Or, Ii ne faut pas avoir peur, mais faire face. Il faut surtout refuser le "globalitarisme" écologique imposé par la peur, parce que c’est toujours au nom du bien que l’on terrorise et que les écologistes ont la tentation de gouverner par la peur.