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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 20:59

NoeudC’est un phénomène largement observé aujourd’hui que celui de la transformation du travail. Nous avons, en effet, largement abandonné le travail contraint, où la norme est posée par des dispositifs autoritaires extérieurs au salariés (chefs, rythme des machines, définition des temps…) et où, pour être échangé contre rémunération, le travail doit être validé par autrui (l’employeur, le client, l’usager). Prévaut aujourd’hui une forme de travail prescrit, qui se réalise à travers des normes intériorisées (objectifs, processus, qualité…) qui appellent d’abord une satisfaction intime à l’égard d’un travail « bien fait », d’un « bon travail », évalué à l’aune de ce que l’on nomme un « jugement de beauté ». Ce type d’exercice professionnel se fonde sur l’investissement personnel du salarié, son engagement[1] et son système de valeurs lequel, s’il entre en contradiction avec les exigences de l’emploi, peut provoquer ce qu’il est légitime de nommer unes « souffrance éthique »[2]. Ainsi, dans certains secteurs comme la santé ou l’action sociale, l’évaluation de la demande psychologique associée à une fonction parvient mal à évaluer ce mal-être ressenti par le travailleur quand ce qu’on lui demande de faire entre en contradiction avec ses normes professionnelles, sociales ou subjectives.

 

Le travail occupant une place centrale dans la construction de la personnalité (il donne un sens à l’existence), il parvient aussi à la détruire quand il se révèle dysfonctionnant. Se sentir écoeuré parce qu’il faut bâcler un projet ou terrassé par la honte après avoir accepté de nuire à autrui, représentent autant de souffrances destructurantes[3]. Dans une usine de biscuits ou la direction a modifié la recette de fabrication pour employer des ingrédients moins chers, ou dans une usine de prothèses mammaires où l’on introduit des produits de mauvaise qualité sont constitutifs d’une qualité empêchée profondément déstabilisante. Un téléopérateur contraint de choisir entre la résolution des vrais problèmes des clients et le respect des objectifs commerciaux, un ingénieur obligé à des distorsions réglementaires ou financières, sont des proies toutes trouvées pour une brutale décompensation.

 

Consciences blessées

Nombreux sont les médecins du travail qui signalent l’émergence de ces blessures de consciences. Confrontés à un difficile arbitrage entre trahir leurs principes et se mettre à l’écart du collectif, les personnes en souffrance peuvent adopter différentes stratégies défensives, telle l’hyperactivité, le cynisme ou bien le retrait mutique qui sont susceptibles, à l’extrême, de déboucher sur des cas de suicide.

 

Des conflits éthiques apparaissent souvent quand une entreprise se trouve forcée d’abandonner son métier et ses valeurs pour se fondre dans des dispositifs qui lui étaient jusque-là étrangers, à l’image de ces salariés d’une société d’assistance informatique rachetée par un éditeur de logiciel et obligés de jeter savoir faire et souci du client pour se faire les VRP de produits bas de gamme. Lorsque nous les avons rencontrés, à la question « que préférez-vous, faire ce qu’on attend de vous ou vous retrouver au chômage ? », ils étaient presque unanimes à choisir la seconde solution.

 

Le viol des consciences devient progressivement plus insupportable à mesure que l’on impose aux salariés de mobiliser leur intelligence, leur volonté et leur savoir-faire en laissant de côté leur sens critique.



[1] CLOT Yves, Le travail à cœur, La Découverte, Paris, 2010.

[2] LALIBERTÉ et TREMBLAY, L’organisation du travail et la santé mentale dans les organismes communautaires : regard sur une situation méconnue, Rapport de recherche, Direction de la Santé publique de Québec, 8 mai 2007.

[3] DEJOURS C., Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale, Paris, Le Seuil, 1998.

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Présentation

  • : Le blog de Patrick Lamarque
  • : Mon blog professionnel, à l'attention des dirigeants d'entreprises, fait un point régulier sur les questions de management, gestion des crises. Il suit de près l'actualité sociale, les risques psychosociaux et les négociations en cours
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Le fil d'Ariane

L'animation ci-dessous présente ma pratique du coaching individuel et d'équipe à destination des dirigeants. En cliquant sur l'image en bas à droite (petite croix) vous pourrez l'ouvrir en mode plein écran et, ainsi, la lire plus confortablement.

 


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Patrick Lamarque est conseil de dirigeants en stratégie, gestion des crises et management du changement. Il est également coach pour dirigeant privés et publics et expert en prévention des risques psychosociaux. Il opère en France et à l’étranger.


Ancien élève à l'Ecole Nationale d’Administration, Patrick Lamarque, dans les années 80, a créé la mission communication interne et maîtrise du climat social à la Ville de Paris, coordonné la communication gouvernementale auprès du Premier ministre et conseillé pour sa communication le ministre de la Défense. Dans les années 90, il dirige la communication de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, puis celle de la Ville et de la Communauté Urbaine de Lyon. Il est ensuite appelé comme Conseiller auprès du Secrétaire d'État à la Défense, puis auprès de la Secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées avant d’être chargé de la concertation et de l’accompagnement social à la Délégation Générale pour l’Armement.


Introducteur des études qualitatives dans l’analyse politique il a développé ces méthodes pour structurer une démarche globale de maîtrise du climat interne de l’entreprise. Il a développé une approche novatrice d’entretiens de confrontation pour la résolution de conflits.


À partir de son expérience dans la gestion de la communication de la Défense durant la première guerre du Golfe, il a créé une méthodologie de maîtrise des crises qui a fait ses preuves dans de multiples situations difficiles, lors de crises de changement, de situations d’urgence psychosociale ou de plans de sauvegarde de l’emploi.


Il a enseigné à l’ENA, au CELSA, à l’EFAP, dans plusieurs universités françaises ainsi qu’à l’École Supérieur du Commerce et des Affaires de Casablanca et à l’Université de Buenos-Aires. Il est l'auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

 

 

 

Le jardin haïku

 

Quelques beaux poêmes

 

Dans une vieille mare,

une grenouille saute,

le bruit de l'eau.

Bashö (1644-1694)

 

 

Porté par l'obscurité.

Je croise une grande ombre

dans une paire d'yeux.

Tomas Transtromer (Prix Nobel 2011), traduit par Jacques Outin


 

Sur la plage

je regarde en arrière

pas la moindre trace de pas.

Hosai  (1885-1926)

 

 

J'étais là moi aussi -

et sur un mur blanchi à la chaux

se rassemblent les mouches.

Tomas Transtromer (Prix Nobel 2011), traduit par Jacques Outin

 

 

Il n'y a rien

dans mes poches -

rien que mes mains.

Kenshin (1961-1987)

 

 

Un papillon blanc sort
D'entre les rayures d'un zèbre.

Sei Imai

 

 

Plus que de l'aveugle
Du muet fait le malheur

La vue de la lune.

Kyoraï

 

 

Au coucou

Elle ne répond rien

La girouette en fer.

Seiho Awano

 

 

Un papillon
vole au milieu
de la guerre froide
Nakamura Kusatao
 

 

 

Le printemps passe.

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes.

Bashö (1644-1694)

 

 

Plutôt  que les fleurs de cerisier

Les petits pâtés !

Retour des oies sauvages.

Matsunaga Teitoku (1571-1654)

 

 

Que n'ai-je un pinceau
Qui puisse peindre les fleurs du prunier
Avec leur parfum!
Shoha
 

 


 

Quelques essais personnels

 

Le bolet doré

au couteau de l'automne

craque mollement.

P.L.

 

 

La nuit est posée

l’hiver gagne la ville –

Frisson de moineau. 

P.L.


 

Un mille-pattes trébuche

-bruit de catastrophe-

entre quelques brins d'herbe.

P.L.


 

Cul grisâtre 

d'une bouteille lancée

dans la mer étroite -

bonjour Trieste.

P.L.

 

 

Goutte à goutte

- loupes hallucinées -

le toit s'égoutte.

P.L.

 

 

Au profond de la nuit

rentrent les meurtriers

le devoir accompli.

P.L.

 

 

Tendu comme un arc,

l'hiver scarifie

d'une autre ride le visage.

P.L.

 

 

Dans la nuit luisante

résonnent des pas

- un chien lève la patte -

P.L.

 

 

Inconsciente,

la rue se rue

vers sa fin.

P.L.

 

 

Au bal de la nuit

aux phalènes,

le pied glisse

sur les cadavres joyeux.

P.L.

 

 

La brume

nappe le relief

du jardin myope.

PL

 

 

Le rictus du caïman

remonte à l'oeil qui pétille.

Sa proie lui sourit.

PL

 

 

Le lacet défait

flâne près du soulier -

Le nez au vent.

PL

 

 

Elle a renversé son sac

à la recherche de ses clés -

Sourire amusé.

PL

 

 

Elle s'est jetée dans l'étang -

La lune abîmée

de désespoir.

PL

 

 

Où va la nuit dans le noir

quand je me retiens

de bouger et de vouloir?

PL

 

 

Le temps de la cigale

stridule sans fin,

puis tombe la nuit.

PL

 

 

Les bras écartés

il surgit de la neige

l'épouvantail brun.

PL

 

 

Aux oiseaux inquiets

l'épouvantail tend les bras -

Je crais pour ma vie.

PL

 

 

Le crabe rougit

découvrant la baigneuse -

L'eau s'est troublée.

PL

 

Le coin des livres


Réalité

Ch. André Psycho de la peur

Bruno


Precht


Billeter

Rencontres


Ch André


Savoir attendre

Gilligan

EKR

Cyrulnik-Morin


Dejours light
Cyrulnik light
Talaouit
41yAu4IM-BL. SL500 AA300
MFH

Daewoo

 


La phrase du moment

Rien n'est plus pratique qu'une bonne théorie - Kurt Lewin.

 

Patrick Lamarque

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