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12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 20:00

Varela - Inscription corporelleVARELA Francisco, THOMPSON Evan, ROSCH Eleanor,

L’inscription corporelle de l’esprit, Sciences cognitives et expérience humaine,

Ed. du Seuil, Paris 1993,

Trad. de l’anglais par Véronique Havelange, 382 p.

 

 

Varela se place dans la tradition phénoménologique de Merleau-Ponty et de ses héritiers sur la scène contemporaine : Derrida, Bourdieu. Il intrique cette généalogie intellectuelle avec la tradition bouddhique pour interroger les sciences cognitives contemporaines. Dans ce but, il développe le concept d’enaction pour développer une conception de la cognition comme action incarnée, mettant ainsi en relief la corporéité de la conscience.

 

La cognition, un processus phénoménologique

 

Nous n’avons pas conçu notre monde. Nous nous trouvons simplement en lui », constate-t-il. Et la cognition s’élabore sous la forme d’une représentation mentale permettant la manipulation de symboles. Cependant, les sciences cognitives, issues de la cybernétique, tendent à représenter cette manipulation sur le modèle d’une computation. Or, pour Varela, la cognition se présente plutôt comme un dispositif distribué, un ensemble auto-interprétant qui s’auto-organise. Il s’appuie pour soutenir sur les connaissances récentes relatives au fonctionnement du cerveau. Il affirme que le soi n’est pas transcendantal (cf. Kant), non plus qu’une « chose pensante » (Descartes) mais un processus qui relie la personne au monde à travers l’expérience qu’elle en fait (cf. phénoménologie de Merleau-Ponty). Le soi n’est donc pas un invariant, mais une construction connectée au monde.

 

Dans cette perspective, Varela propose de concevoir la cognition comme une voie moyenne (notion d’inspiration bouddhiste) qui remet en question l’idée qu’il puisse exister un modèle homogène de l’esprit mais qu’au contraire se conjuguent à la fois un fonctionnement largement distribué et une « isolation » des mécanismes qui maintiennent séparés les divers processus. Ainsi, chaque maillon d’une chaîne conditionne les autres en même temps qu’il est conditionné par eux.

 

Un des intérêts de se référer à la voie bouddhique consiste à « dépasser l’attachement émotionnel au moi ». Inutile de supposer un monde pré-donné (« « réel ») et un soi centralisé, car, fait observer l’auteur, nous ne pouvons pas nous tenir à l’extérieur de nous-mêmes pour évaluer le degré de correspondance que nos représentations pourraient avoir avec le monde.

 

Toutefois, le monde n’est ni un objet, ni un événement. « Le monde se présente plutôt comme un arrière plan – un cadre, un champ qui englobe notre expérience, mais qui ne se laisse pas saisir en dehors de notre structure, de notre comportement et de notre cognition. De ce fait, ce que nous disons sur le monde en dit au moins autant sur nous-mêmes que sur le monde ».

 

Évidemment, ceci ne va pas sans un sentiment d’angoisse qui provient du besoin de fondements sûrs. Tel est d’ailleurs l’objet constant de la philosophie occidentale, par opposition à la « voie moyenne » de la tradition bouddhique. « L’absence de fondement est la condition même du monde richement tissé et de l’interdépendance bigarrée de l’expérience humaine », soutient Varela.

 

Un monde co-élaboré

 

Reste, et c’est la thèse centrale, que notre cognition est incarnée, ou enactée, pour reprendre son terme. Car, « il faut inévitablement conclure que le connaissant et le connu, l’esprit et le monde se situent en relation l’un avec l’autre par le biais d’une spécification mutuelle ou d’une co-origination dépendante », explique Varela. Le monde et le sujet percevant se déterminent l’un l’autre, comme la poule et l’œuf.

 

Pour l’auteur, il s’agit là de contourner le dualisme du rationnel et du subjectif, de l’intérieur et de l’extérieur en regardant la cognition comme un processus co-élaboratif et incarné. « La perception, précise-t-il, n’est donc pas seulement enchâssée dans le monde qui l’entoure ni simplement contrainte par lui ; elle contribue aussi à l’enaction de ce monde environnant ».

 

De même en matière d’évolution, les successeurs actuels de Darwin considèrent aujourd’hui qu’elle est moins le fruit de la « sélection naturelle » que la résultante d’un champ de forces. Pour Varela, l’évolution est le résultat d’une « dérive naturelle ». Elle représente, en matière d’évolution, la contrepartie biologique de l’enaction. Elle conduit d’abord à « passer d’une logique prescriptive à une logique proscriptive, c’es-à-dire de l’idée que tout ce qui n’est pas permis est interdit à l’idée que tout ce qui n’est pas interdit est permis ». Ensuite elle permet de regarder le processus évolutif en terme de satisficing, c’est-à-dire à l’adoption de solutions sous-optimales mais acceptables, plutôt que d’optimisation. Voilà un regard neuf sur la question de l’évolution.

 

Une systémique enrichie

 

D’une façon générale, l’environnement ne peut pas être séparé de ce que sont et de ce que font les organismes qui le compose. On trouve donc ici une conception systémique très extensive qui s’intègre parfaitement et nourrit la pratique du coach. Cette approche débouche « sur une conception qui voit les capacités cognitives comme inextricablement liées à des histoires vécues, un peu à la manière des sentiers qui n’existent que dans la mesure où on les trace en marchant ». « D’une manière générale, l’approche par l’enaction se distingue par le fait de substituer à un programme orienté vers la résolution d’une tâche explicite un processus qui s’apparente à une évolution par dérive naturelle ».

 

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  • : Le blog de Patrick Lamarque
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L'animation ci-dessous présente ma pratique du coaching individuel et d'équipe à destination des dirigeants. En cliquant sur l'image en bas à droite (petite croix) vous pourrez l'ouvrir en mode plein écran et, ainsi, la lire plus confortablement.

 


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Patrick Lamarque est conseil de dirigeants en stratégie, gestion des crises et management du changement. Il est également coach pour dirigeant privés et publics et expert en prévention des risques psychosociaux. Il opère en France et à l’étranger.


Ancien élève à l'Ecole Nationale d’Administration, Patrick Lamarque, dans les années 80, a créé la mission communication interne et maîtrise du climat social à la Ville de Paris, coordonné la communication gouvernementale auprès du Premier ministre et conseillé pour sa communication le ministre de la Défense. Dans les années 90, il dirige la communication de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, puis celle de la Ville et de la Communauté Urbaine de Lyon. Il est ensuite appelé comme Conseiller auprès du Secrétaire d'État à la Défense, puis auprès de la Secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées avant d’être chargé de la concertation et de l’accompagnement social à la Délégation Générale pour l’Armement.


Introducteur des études qualitatives dans l’analyse politique il a développé ces méthodes pour structurer une démarche globale de maîtrise du climat interne de l’entreprise. Il a développé une approche novatrice d’entretiens de confrontation pour la résolution de conflits.


À partir de son expérience dans la gestion de la communication de la Défense durant la première guerre du Golfe, il a créé une méthodologie de maîtrise des crises qui a fait ses preuves dans de multiples situations difficiles, lors de crises de changement, de situations d’urgence psychosociale ou de plans de sauvegarde de l’emploi.


Il a enseigné à l’ENA, au CELSA, à l’EFAP, dans plusieurs universités françaises ainsi qu’à l’École Supérieur du Commerce et des Affaires de Casablanca et à l’Université de Buenos-Aires. Il est l'auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

 

 

 

Le jardin haïku

 

Quelques beaux poêmes

 

Dans une vieille mare,

une grenouille saute,

le bruit de l'eau.

Bashö (1644-1694)

 

 

Porté par l'obscurité.

Je croise une grande ombre

dans une paire d'yeux.

Tomas Transtromer (Prix Nobel 2011), traduit par Jacques Outin


 

Sur la plage

je regarde en arrière

pas la moindre trace de pas.

Hosai  (1885-1926)

 

 

J'étais là moi aussi -

et sur un mur blanchi à la chaux

se rassemblent les mouches.

Tomas Transtromer (Prix Nobel 2011), traduit par Jacques Outin

 

 

Il n'y a rien

dans mes poches -

rien que mes mains.

Kenshin (1961-1987)

 

 

Un papillon blanc sort
D'entre les rayures d'un zèbre.

Sei Imai

 

 

Plus que de l'aveugle
Du muet fait le malheur

La vue de la lune.

Kyoraï

 

 

Au coucou

Elle ne répond rien

La girouette en fer.

Seiho Awano

 

 

Un papillon
vole au milieu
de la guerre froide
Nakamura Kusatao
 

 

 

Le printemps passe.

Les oiseaux crient

Les yeux des poissons portent des larmes.

Bashö (1644-1694)

 

 

Plutôt  que les fleurs de cerisier

Les petits pâtés !

Retour des oies sauvages.

Matsunaga Teitoku (1571-1654)

 

 

Que n'ai-je un pinceau
Qui puisse peindre les fleurs du prunier
Avec leur parfum!
Shoha
 

 


 

Quelques essais personnels

 

Le bolet doré

au couteau de l'automne

craque mollement.

P.L.

 

 

La nuit est posée

l’hiver gagne la ville –

Frisson de moineau. 

P.L.


 

Un mille-pattes trébuche

-bruit de catastrophe-

entre quelques brins d'herbe.

P.L.


 

Cul grisâtre 

d'une bouteille lancée

dans la mer étroite -

bonjour Trieste.

P.L.

 

 

Goutte à goutte

- loupes hallucinées -

le toit s'égoutte.

P.L.

 

 

Au profond de la nuit

rentrent les meurtriers

le devoir accompli.

P.L.

 

 

Tendu comme un arc,

l'hiver scarifie

d'une autre ride le visage.

P.L.

 

 

Dans la nuit luisante

résonnent des pas

- un chien lève la patte -

P.L.

 

 

Inconsciente,

la rue se rue

vers sa fin.

P.L.

 

 

Au bal de la nuit

aux phalènes,

le pied glisse

sur les cadavres joyeux.

P.L.

 

 

La brume

nappe le relief

du jardin myope.

PL

 

 

Le rictus du caïman

remonte à l'oeil qui pétille.

Sa proie lui sourit.

PL

 

 

Le lacet défait

flâne près du soulier -

Le nez au vent.

PL

 

 

Elle a renversé son sac

à la recherche de ses clés -

Sourire amusé.

PL

 

 

Elle s'est jetée dans l'étang -

La lune abîmée

de désespoir.

PL

 

 

Où va la nuit dans le noir

quand je me retiens

de bouger et de vouloir?

PL

 

 

Le temps de la cigale

stridule sans fin,

puis tombe la nuit.

PL

 

 

Les bras écartés

il surgit de la neige

l'épouvantail brun.

PL

 

 

Aux oiseaux inquiets

l'épouvantail tend les bras -

Je crais pour ma vie.

PL

 

 

Le crabe rougit

découvrant la baigneuse -

L'eau s'est troublée.

PL

 

Le coin des livres


Réalité

Ch. André Psycho de la peur

Bruno


Precht


Billeter

Rencontres


Ch André


Savoir attendre

Gilligan

EKR

Cyrulnik-Morin


Dejours light
Cyrulnik light
Talaouit
41yAu4IM-BL. SL500 AA300
MFH

Daewoo

 


La phrase du moment

Rien n'est plus pratique qu'une bonne théorie - Kurt Lewin.

 

Patrick Lamarque

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